03:44 ARCHITECTURE

Au fond de «La Piscine», nouveau pôle d’affaires high-tech

En zone industrielle genevoise, le chantier du «Skylab» bat son plein, sous la direction de l’Entreprise Générale Induni. Mené notamment par BG Ingénieurs Conseils SA, en collaboration avec Bassi Carella Architectes, ce projet de futur édifice urbain de plusieurs étages accueillera des services publics et diverses entreprises en répondant aux normes environnementales les plus strictes.

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Situé idéalement au centre du secteur genevois de Plan-les-Ouates, regroupant 330 entreprises, avec plus de 9000 salariés, entre autres les fleurons de l’industrie horlogère (Patek Philippe, Piaget, Rolex, Vacheron Constantin, etc.), le futur centre Skylab est en train de s’élever sur quatre parcelles anciennement en friche, totalisant environ 8500 m2. Acquises par la commune en 2005 en vue d’être développées, ces dernières étaient jusqu’alors surnommées «La Piscine» parce qu’elles avaient fait l’objet d’une première excavation en vue d’un projet de bâtiment finalement non abouti.
Fruit d’un concours d’architecture remporté en 2010 par le bureau d’architectes genevois BassiCarella, le futur édifice d’envergure offrira plus de 20 000 m2 de surfaces locatives, artisanales et industrielles. Projeté pour 2015, ce centre multifonctionnel sera formé d’un complexe de six niveaux hors-sol et de trois niveaux en sous-sol, avec un parking public et privé, une caserne pour les pompiers, une crèche, des locaux pour des services communaux, et des espaces locatifs administratifs etindustriels pour des activités de haute technologie.
Ambitieux, ce projet a pu être initié grâce à un partenariat entre secteurs public et privé : la commune a concédé un droit de superficie de 90 ans à la Fondation des terrains industriels de Genève (FTI) moyennant une rente annuelle, puis la FTI a cédé un autre droit de superficie de second degré à l’investisseur qui se charge de construire le nouveau complexe et de louer les surfaces. La commune, quant à elle, a acquis les lots constitués par la crèche et la caserne des pompiers en PPE. Piloté par Concordo SA à Genève, développeur spécialisé dans les projets immobiliers, commerciaux, hôteliers et de logements, l’opération, d’un montant d’investissement estimé à environ 150 millions de francs, est financée par Rockspring Property Investment Managers, le Crédit Suisse Asset Management, ainsi que la FTI. Au niveau architectural, l’édifice se distingue notamment par sa façade minérale qui allie éléments préfabriqués de béton revalorisé, verre et acier, mais aussi par la présence d’une rue intérieure centrale, apportant la lumière naturelle à tous les étages, et d’une toiture végétalisée.

Label «BREEAM»
Si le choix des matériaux utilisés, de certains dispositifs, telle que la récupération d’eau pluviale réinjectée dans les WC, ainsi que des concepts thermique (futur chauffage à distance prévu) et de ventilation (double flux avec récupération d’énergie), répondent aux critères de labels énergétiques reconnus tels que Minergie P, le projet se démarque en visant également le label BREEAM, encore rarement atteint en Suisse. Cette certification anticipe l’évolution du bâtiment dans les 50 prochaines années, en prévoyant notamment le recyclage des matériaux en cas de démolition et son adaptation en cas d’éventuel changement d’affectation.
Intégré à l’équipe de maîtrise d’œuvre suite à un concours d’ingénierie intégrée, BG Ingénieurs Conseils participe à toutes les étapes du projet : phase de démolition, de terrassements et travaux spéciaux, de construction. Sous mandats d’architecte, puis d’entreprise générale, le groupe effectue deux missions complètes d’ingénieur: en génie civil des travaux spéciaux et du gros œuvre d’une part, et dans les domaines CVSE (chauffage, ventilation, sanitaire, électricité) et MCR (mesures, contrôles et régulations) d’autre part. En parallèle, les ingénieurs élaborent le concept de protection incendie. L’affectation à des fonctions multiples de l’édifice implique des contraintes particulières pour un bâtiment pourtant à usage principal d’activités tertiaires. «Les pompiers sont une force d’intervention et leur caserne doit répondre aux normes de résistance parasismique les plus élevées», insiste Cyrille Michel, chef de projet chez BG. Les entreprises locataires, selon leur secteur d’activités, ont d’autres exigences techniques quant aux parois porteuses ou à la résistance des planchers, dépendantes du poids de leurs équipements et besoins d’alimentation, et il convient par ailleurs d’anticiper les éventuels changements de locataires.

Combler la piscine
«La principale difficulté de ce projet relève de son intégration dans un espace de fouille préexistant. En effet, le site de la zone industrielle avait déjà été partiellement terrassé dans les années 90» souligne Cyrille Michel, chef de projet chez BG. Au niveau des spécificités géotechniques du projet Skylab, la fouille doit donc composer avec l’enceinte existante, et inclure un approfondissement du fond actuel d’environ 5 m. «Ce qui semblait être une bonne opportunité au départ (économie d’un certain volume d’excavation) s’est révélé extrêmement complexe : à savoir faire rentrer un bâtiment neuf dans une boîte existante qui n’avait pas le même gabarit», confirme le spécialiste. Les architectes ayant en effet pris le parti de s’affranchir des structures excavées pour leur programme, il a fallu créer une structure composée de parois moulées de soutènement en parallèle aux parois clouées de la fouille. Pour cela, les tirants des parois moulées doivent être positionnés de manière à contourner les anciennes structures. «Nous avons conservé l’ancienne fouille le temps de réaliser la nouvelle structure de soutènement, en travaillant par phasage, puis démoli les anciennes structures. L’enceinte de la surprofondeur de fouille est composée d’une paroi moulée (épaisseur 60 cm, 5500 m2) ancrée au moyen d’ancrages à large scellement type Anchorjet (500) et d’un étayage. Le bâtiment mitoyen BlueBox a dû être repris en sous-œuvre par une paroi moulée ancrée», développe le chef de projet.

Argile à modeler
Une deuxième difficulté tient à la nature du sol composée d’argiles très plastiques, semblables à une «pâte à modeler». «Etant relativement lourd, le bâtiment aurait pu bénéficier de fondations profondes, avec des pieux ancrés dans un sol plus compact. Dans notre cas, les pieux auraient dû descendre à une trentaine de mètres de profondeur, atteignant la nappe phréatique genevoise, ce qui était formellement interdit en raison des risques de pollution», note Cyrille Michel. En conséquence, le bâtiment est fondé sur un radier épais et étanche qui couvre toute la surface de la fouille, et qui contribue également à uniformiser les tassements. Ceux-ci sont estimés, au final, à un maximum de 4 cm localement.
Démarré en mai 2013, le chantier Skylab est en phase de réalisation : démolition, terrassement et travaux spéciaux ont été achevés en décembre dernier, le temps de réaliser l’enceinte, les parois moulées et l’excavation du volume de déblais de 35 000 m3. En parallèle, la réalisation des fondations a démarré mi-septembre. Cette co-activité sur le site entre les entreprises de travaux spéciaux et de maçonnerie a nécessité d’importants efforts de coordination et la mise en place de procédures de sécurité strictes. A l’heure actuelle, la dernière zone de dalle de sous-sol est terminée. La fin du gros-œuvre est prévue pour cet automne. Les cadences de réalisation sont donc très importantes. Le chantier comprend trois grues, dont l’une est parmi les plus hautes installées en suisse romande actuellement (hauteur sous crochet de 64,5m), ainsi qu’une centrale à béton qui rend possible des étapes de bétonnage de 300 m3 environ (soit 6 h en continu de bétonnage pour une centrale à 50 m3/h) pour assurer les volumes conséquents.

Charges jusqu’à 1400 t
Au niveau du concept structurel, l’infrastructure de sous-sol démarre sur le radier d’épaisseur 1,10 m, et localement sur un bassin de rétention des eaux pluviales sous-jacent. Les piliers préfabriqués du sous-sol reprennent des charges allant jusqu’à 1400 t. La structure est ensuite relativement classique, avec toutefois une subtilité au niveau de l’interface entre le 1er niveau de sous-sol et le rez-de-chaussée, car les descentes de charges sont désaxées entre l’infrastructure et la superstructure. «Pour les reprendre, nous avons prévu des sommiers en béton armé de 1,3 x 0,8 m. La réalisation sur site d’un béton avec une résistance garantie de type C50/60 était également l’une des prouesses à réaliser par le maçon», précise Cyrille Michel.
Bien que le bâtiment semble extérieurement très tramé et régulier, il présente de nombreuses particularités architecturales. Ainsi, la présence de puits de lumière décalés d’un étage à l’autre, engendre par exemple dans les étages de fréquents désaxements de piliers et donc de descente de charges. Les volumes ne sont pas systématiquement superposés d’un étage à l’autre. La solution structurelle proposée consiste alors souvent en la mise en place dans l’épaisseur des dalles de concepts de type «bielles/tirants», rarement répétés avec cette fréquence pour ce type d’ouvrage. Les noyaux de contreventements se situent eux, classiquement, au niveau des cages d’escaliers et d’ascenseurs.
Autre caractéristique délicate : les façades porteuses sont entièrement préfabriquées. L’intégration des éléments préfabriqués des façades à la structure porteuse a motivé le choix de l’entreprise générale (réduction du nombre d’opérations, optimisation du planning). «Cette façade de type sandwich, intégrant l’isolation du bâtiment (parement extérieur + isolation + porteur intérieur), tient compte des particularités de descentes de charges citées précédemment, essentiellement au niveau des décrochements de façade. La mise en œuvre de ces pièces préfabriquées, qui représentent environ 700 pièces appartenant à près de 220 types différents, exige des moyens de chantier importants, notamment les grues relativement peu communes et un planning des travaux parfaitement géré», conclut le chef de projet de BG. (EV)

Maître de l’ouvrage
Rockspring - FTI - Fondation des terrains industriels de Genève. En partenariat avec la Commune de Plan-les-Ouates
Direction de projet
Concordo
Architectes
Bassi Carella Architectes
Ingénieur civil, CVS-E, sécurité
BG Ingénieurs Conseils SA
Entreprise générale
Induni & Cie SA
Ingénieur Acousticien
Acouconsult
Ingénieur Façades
Hevron SA

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