En 2016, le CEVA prend vie
Avec le percement du tunnel de Pinchat: l’étape symbolique de la moitié des travaux a été atteinte! Mais d’innombrables chantiers restent encore ouverts dans la Cité de Calvin. Ces prochains mois seront ponctués par des travaux aussi importants qu’impressionnants. Ce printemps, le poussage du pont sur l’Arve va marquer les esprits. Et au début de l’été, la pose de la première «brique de verre» à la station des Eaux-Vives mettra en évidence l’architecture imaginée par les Ateliers de Jean Nouvel.
Par Jean-A. Luque
La fin du tunnel est encore loin, mais on entrevoit enfin la lumière au bout de la galerie… C’est une image. Disons, pour être précis, que les nombreuses équipes qui s’activent autour de CEVA sont plus proches de la fin des travaux que du début. En effet, l’avancement des tâches en ces premiers mois de 2016 affiche un taux de 54%. Plus de la moitié des nombreux chantiers de la future liaison ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse est donc accomplie.
Une étape symbolique forte, d’autant plus que jusqu’à présent, pour les Genevois, CEVA n’était qu’une idée sur le papier et beaucoup d’inconvénients. Difficile d’imaginer concrètement son trajet alors qu’il est majoritairement souterrain. En revanche, la ville transformée en gruyère avec ses innombrables trous et tranchées couvertes et son lot de désagréments en a fait râler plus d’un. Mais aujourd’hui, les différents tronçons et ouvrages commencent à prendre forme et à être reliés entre eux. La liaison prend vie.
Indéniablement, le tournant a été marqué par le percement du tunnel de Pinchat le jeudi 8 octobre 2015 à 11h30. Ce jour-là, les deux fronts du tunnel se sont rejoints à 35m de profondeur. Ses extrémités de Carouge-Bachet et du Val d’Arve ont enfin été réunies après trois ans d’efforts. 150 ouvriers ont travaillé de concert pendant plus de 780 jours pour creuser, sur sa demi-section supérieure, la calotte, cette galerie longue de 2100m.
La profondeur du tunnel de Pinchat varie entre 5m (quand il passe sous la Dirze) et 35m pour un diamètre intérieur d’un peu plus de 10m. Le portail côté Bachet fait partie intégrante de la station et se fond dans l’architecture de cette dernière. L’autre portail est situé sur le secteur du Val d’Arve, à la hauteur de la Direction générale des véhicules.
Il est impossible de citer tous les corps de métier qui ont pris part à cet accomplissement. Difficile d’imaginer la somme de savoir-faire, d’efforts, de collaboration et d’astuces qu’il a fallu déployer pour créer ce passage souterrain. Mais un exemple parmi d’autres le démontre parfaitement.
Allier sécurité et célérité
Sur une importante section de Pinchat, le forage en voûte parapluie a été nécessaire pour assurer la stabilité de la travée en cours d’excavation : pas moins de 26 tubes d’acier, injectés de coulis de béton, répétés tous les 12m d’avancement. Mais comment faire pour éliminer ou cacher les extrémités des cylindres qui dépassaient en front d’attaque et qui sont incompatibles avec la pose de l’étanchéité?
Plutôt que de recouvrir les tubes avec une énorme quantité de m3 de béton, une solution plus économique a été choisie : le sciage. C’est l’entreprise J.C.S Sciage qui s’est donc attaquée à cette besogne. Son patron Jean-Claude Sudan en explique les enjeux: «Il nous fallait travailler jusqu’à 8m de hauteur sous une voûte irrégulière. Pour des questions de temps et de sécurité, il n’était pas question de monter des échafaudages. Au début, nous avons imaginé sectionner les tubulures avec une pince. Mais elle ne s’insérait pas correctement, nous n’arrivions pas à couper à ras le béton. Nous avons donc opté pour notre camion scieur VH 28 monté sur un Unimog. Après quelques essais de disques pour trouver le meilleur rapport puissance-vitesse-dureté, nous avons rapidement trouvé le bon diamant. Une fois la mise en place effectuée, il ne nous fallait pas plus d’une minute par tube.» Le résultat ne s’est pas fait attendre: à raison de 160 cylindres par jour, le travail a été liquidé en deux semaines.
On le constate sécurité et célérité sont les maîtres-mots. Dans le tunnel de Pinchat, les travaux sont encore loin d’être achevés. 2016 va être consacré à excaver le stross, sa partie basse, réaliser le radier, poser le revêtement… Si tout se passe comme prévu, les travaux seront terminés dans les temps juste avant l’été 2017.
1000t d’acier tout en légèreté
Sur les autres fronts de CEVA, les ouvriers s’activent aussi. Au planning de 2016, un chantier retient tout particulièrement l’attention : le pont sur l’Arve. D’une longueur de87 mètres, la construction de cet ouvrage (plus de 1000 tonnes d’acier) est en cours de finalisation. Il a été assemblé sur site et il est actuellement peint et soudé.
Pour permettre le poussage du pont au printemps (vraisemblablement en mars), il faut construire ces prochaines semaines un avant-bec sur la rive gauche de l’Arve. Ensuite, il ne restera plus qu’à réaliser les jonctions en béton armé pour le relier à la tranchée couverte d’une part et au tunnel de Champel d’autre part. Pour couronner la fin des travaux, les vitrages et leurs structures de support seront ensuite posés. Cela donnera son caractère définitif à ce pont vitré, conçu pour s’intégrer harmonieusement dans le paysage verdoyant des falaises d’Arve. Sa structure entièrement fermée par des panneaux de verre à facettes contribuera à une réduction significative du bruit du train.
Autre étape importante et visible qui sera franchie cette année : l’accueil de l’architecture et du second œuvre dans les haltes ferroviaires. Cinq stations jalonnent le parcours de CEVA : Lancy œuvre – Pont-Rouge, Carouge–Bachet, Champel–Hôpital, Genève–Eaux-Vives et Chêne-Bourg. La pose de la première «brique de verre» est prévue au mois de juin.
L’unité de traitement du concept architectural imaginé par les Ateliers de Jean Nouvel se concrétise en effet par l’utilisation de «briques de verre» de grande dimension (2,7×5,4 m), constituées de plusieurs couches de verre de différentes qualités et textures. Ces modules seront tour à tour panneau de façade, pan de verre, plancher, pan de mur, parement, voile, paravent, toiture, marquise, auvent, plan incliné …
Ce « millefeuille » de verre crée une vision pixellisée à la manière d’un kaléidoscope. Ainsi, le voyageur retrouvera de façon immédiate, en quelque lieu que ce soit, un repère visuel fort qui l’informera de la présence de la ligne CEVA. La répétition et l’adaptation d’un système unique pour chaque gare permettra de concevoir des stations à la fois familières parce que similaires grâce à ces «briques de verres», et en même temps uniques parce que différentes par leur configuration géométrique. La lumière naturelle sera filtrée à travers les « briques de verre » horizontales et s’infiltrera des émergences (en surface) jusqu’aux quais souterrains. Cette traversée de la lumière amènera de l’éclairage naturel et offrira une relation visuelle directe avec l’extérieur. Cette relation entre l’intérieur et l’extérieur sera rendue possible grâce à l’utilisation du verre qui permettra de voir des images pixellisées de la vie du dedans et du dehors.
Parallèlement, avant le commencement des travaux de second œuvre, des mesures de bruit solidien et de vibrations vont être effectuées sur l’ensemble du tracé CEVA et cela dès le 1er février. On sait à quel point la question des vibrations est délicate dans un environnement urbain et inquiète les riverains. D’ailleurs, des oppositions avaient dû être levées par le tribunal administratif fédéral, en juin 2011, concernant les craintes de vibrations et de propagation de bruit solidien.
Cette campagne de mesurage est réalisée afin de déterminer les dispositifs anti-vibrations à mettre en œuvre pour limiter l’impact des passages des trains en souterrain. Cela nécessite le déplacement d’un camion vibreur qui travaillera par périodes de 30 secondes. Une équipe de scientifiques sera sur place pour relever la propagation des vibrations (et de bruit solidien) de la source jusqu’aux locaux concernés avant d’en analyser les résultats. Les premiers tests commenceront dans la tranchée couverte Théodore Weber le 2 février ... Et si tout se déroule comme il se doit, la mise en service du CEVA est agendée à fin 2019.