Un étage de plus pour mettre en valeur un patrimoine ordinaire

Ajouter un niveau sur un bâtiment patrimonial ne va pas de soi. Pourtant, le studio V9 et la commune de Corgémont, dans le Jura bernois, viennent de réussir ce tour de force. Ils ont créé un immeuble de huit appartements dans une structure qui a notamment abrité une fondation et une crèche, en agrandissant son étage supérieur. L’utilisation du bois met en valeur cette construction datant de plus d’un siècle.

Quelle: Studio V9, Bastien Jeandrevin

Avant les travaux, l’orientation de la toiture de l’immeuble jurait avec celle de ses voisins.

Quelle: Studio V9, Bastien Jeandrevin

Désormais, celle-ci redonne à la rue centrale du village une très grande unité architecturale.

La densification du bâti par surélévation ne concerne pas que les grandes villes. Des localités plus petites s’y mettent également. A Corgémont, dans le Jura bernois, la transformation d’un immeuble communal débouche en ce début d’année sur une valorisation patrimoniale. Le bâtiment de la fondation évangélique Grosjean, en plein centre du village, est donc coiffé d’un nouvel étage entièrement construit en bois. Avec une toiture tournée de 90 degrés, pour mieux s’intégrer dans l’alignement de la rue principale de ce gros village industriel du vallon de Saint-Imier.

Ce tour de force architectural apporte une réponse convaincante à la volonté de la commune de trouver une nouvelle affectation à cet immeuble, qui a abrité auparavant des salles de classe et une crèche. Les élèves étant partis vers d’autres sites scolaires, le volume restait inoccupé. Le bâtiment était donc plutôt considéré comme un obstacle à la valorisation du village, développé avec un style assez uniforme le long de la route cantonale qui le traverse et par la construction toujours plus soutenue de maisons individuelles.

Crédit image: Studio V9, Bastien Jeandrevin

La surélévation est faite en bois. Un choix qui s’est imposé pour créer deux nouveaux appartements traversants.

La densification voulue par la commune a vite abouti à un projet de surélévation. La capacité de l’immeuble a été portée à huit appartements. Dont deux en son sommet, ce qui a nécessité une profonde transformation de la toiture. Le studio biennois V9, les architectes Tanguy Poffet et Bastien Jeandrevin en particulier, l’ont ainsi totalement repensée. Ce faisant, ils ont tenu compte de l’état plutôt bon du bâtiment et de ses cachets patrimoniaux. Non sans rappeler son passé scolaire, tout en misant sur le calme dont vont pouvoir profiter ses futurs locataires, malgré la proximité d’une route à fort trafic.

Améliorer la circulation verticale
L’immeuble est typique de la construction du début du XXe siècle dans la région. Les architectes et les entreprises mandatées pour ce chantier ont été très vite confrontés à la nécessité de le préserver. Notamment en ce qui concerne sa structure en moellons et sa cage d’escalier organisée à l’intérieur en forme de U. Cela ne se prêtait guère à la création d’appartements. Il s’est donc révélé nécessaire de créer un escalier extérieur en façade nord. « Notre audace a été dictée par notre volonté d’améliorer la circulation verticale », explique Bastien Jeandrevin. En effet, cet escalier surprend. Il a été en quelque sorte ajouté au bâtiment pour aménager des balcons et des terrasses abritées du bruit de la route passant au sud. Même si ces espaces de détente sont orientés au nord. Le U en moellons a été conservé. Le maître d’ouvrage s’en est servi pour aménager un nouvel ascenseur, ainsi que réorganiser tous les sanitaires du bâtiment.

Une toiture totalement modifiée
Le pari de l’architecte a permis également de modifier totalement la toiture d’origine. « Nous l’avons notamment tournée de 90 degrés pour que le bâtiment forme une meilleure unité avec les constructions voisines », ajoute Bastien Jeandrevin.

Le principal défi lancé aux architectes touchait au réaménagement des anciens combles avec à la clé la transformation du deuxième étage et l’ajout d’une surélévation construite totalement en bois. Cet exercice a permis de créer deux vastes appartements traversants, organisés sur deux niveaux, le premier pour les espaces de vie, et le second pour la nuit. Ils sont munis d’une loggia fermée au sud, offrant une tranquillité bienvenue au-dessus de la route cantonale. C’est en fait le retournement de la toiture qui a permis ce coup de force. La surélévation se démarque du reste de l’immeuble par des cheneaux en cuivre, métal choisi pour des raisons techniques et architecturales.

Crédit image: Studio V9, Bastien Jeandrevin

Côté jardin, les architectes ont aménagé un nouvel escalier extérieur en façade nord. Ils ont réservé la cage ancienne pour l’ascenseur.

La commune a aussi souhaité proposer un bien à la location qui respecte les principes du développement durable. Des panneaux photovoltaïques intégrés directement aux tuiles du toit assurent une partie de la consommation énergétique. Le bâtiment a aussi été relié à un réseau de chauffage à distance.

Le vert avec le rouge
L’immeuble a été repeint en vert, contrastant ainsi avec le rouge de la façade d’un restaurant voisin. Seule entorse en façade sud, la modification d’une fenêtre en rez-de-chaussée procure une grande unité à l’enveloppe. Les anciens balcons en fer forgé, si typiques de la région, ont été conservés. Le bâtiment a reçu de nouveaux volets du côté sud. Du côté nord, une place de jeux rappelle son passé scolaire.

Crédit image: Studio V9, Bastien Jeandrevin

Les appartements du haut sont aménagés sur deux niveaux, avec un vaste espace de vie. La création de terrasses permet aux résidents de disposer d’un espace abrité du trafic de la route cantonale.

« Le principal défi de cette transformation était de proposer des logements à bas prix, dans un écrin modernisé, indique encore Bastien Jeandrevin. Il fallait aussi redonner son lustre au centre du village, fait d’immeubles de plus en plus colorés lors de travaux de rénovation. » Les techniques de surélévation se combinent harmonieusement avec la défense du patrimoine bâti. Corgémont peut ainsi présenter ses atouts architecturaux de la meilleure des manières, dans un vallon de Saint-Imier encore très marqué par l’habitat individuel et une activité industrielle encore florissante.