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Une journée à bord du «Savoie» de la Sagrave

Des chalands qui transportent près de 500 tonnes de sables et graviers. Des bateliers qui connaissent le lac et ses rives comme leur poche. Tel est le paysage qui caractérise le site d’exploitation de la Sagrave à Ouchy, spécialiste de l’extraction des sables et graviers et des travaux lacustres. L’occasion de passer une matinée sur une des quatre dragues qui se situe aux abords de la terre Sainte à Gland, juste en face du Golf.

Des chalands qui transportent près de 500 tonnes de sables et graviers. Tel est le programme quasi quotidien de la flotte de la Sagrave. (vidéo: Eric Kocher)

L’air est humide, typique des débuts de matinées automnales au bord du lac Léman. Mais le ciel bleu prédit un trajet bucolique à bord du «Savoie» jusqu’à la drague de Gland. Sur le quai d’Ouchy, joggers et promeneurs matinaux observent le va et vient constant des deux grues sur rails qui allègent le chaland de ses 500 tonnes de cargaisons. Car avant de lever l’ancre, il faut d’abord vider et nettoyer ce bateau de 52 mètres de long et 8 mètres large qui vient d’accoster, rempli par le dernier chargement de la veille. L’occasion faire une petite visite des recoins du bateau, au calme. «Les vagues sont parfois assez violentes sur le lac. C’est mieux d’éviter de se déplacer sur le pont pendant la navigation», avertit le pilote François Vesin, d’un air confiant mais toujours aux aguets des aléas de la météo. Dans la cale technique se situent 2 moteurs diesel de 320 CV chacun et des pompes pour évacuer l’eau contenue dans le gravier et le sable. «C’est nous qui nous occupons de tous les petits travaux de réparation et d’entretien de tout le bateau, y compris le moteur ou la citerne à mazout», lance fièrement le pilote, en désignant son fidèle batelier, Frank Verger, qui balaie le sable gisant encore au fond de la gigantesque cale. A 8 h 30 pétante, le «Savoie» est prêt à partir en direction de la Terre Sainte, à Gland, où se situe l’une des quatre dragues de l’exploitation. But du voyage, remplir le chaland de quatre sortes de matériaux: du sable et des graviers de trois granulométries 4/8, 8/16 et 16/32.

Des leviers et des boutons

Dans la cabine de pilotage, des leviers et des boutons ont remplacé le traditionnel gouvernail. «On ne les utilise plus depuis un moment. Ils ne sont pas assez précis», explique François Vesin. En matière de précision, le radar bat tous les records, puisqu’il est possible de voir jusqu’aux mouettes lorsque l’agrandissement maximal est enclenché. Par contre, il ne détecte pas les filets de pêche sous-marins. «C’est déjà arrivé que l’hélice du chaland arrache l’un d’entre eux. Je l’ai tiré jusqu’au port. Il était encore plein de poissons que le pêcheur a pu récupérer», se souvient le pilote.

Sur un lac aussi lisse qu’un couvre lit en soie, le «Savoie» avance tranquillement à environ trois kilomètres des côtes vaudoises. «Seuls les bateaux de la CGN ont la priorité sur nous, précise le pilote. Mais pas tout le monde le sait. En été, il nous arrive de devoir slalomer entre les bateaux de plaisance qui ne bougent pas d’un centimètre, malgré nos coups de klaxons». Des manœuvres qui s’avèrent très délicates. «Quand le bateau est chargé et qu’il y a des vagues, le moindre virage sec risquerait de faire entrer de l’eau dans la cale et de le faire chavirer. C’est dû à son poids. Lorsqu’il est rempli, le chaland pèse 700 tonnes. Imaginez, cela correspond à trente camions sur le pont». Quand il est vide, par contre, il flotte sur le Léman tel un chapeau de paille, nous dit le pilote, il est très sensible au courant et au vent. Du coup, il faut régulièrement vérifier et corriger le cap.

À bord, pas de pique-nique, mais de la vraie cuisine

Les tubes des années soixante, typiques d’une radio française, retentissent dans une cuisine, située au-dessous du pont supérieur, où le rituel du café est une pause douillette à mi-parcours. François Vesin s’en occupe comme si c’était sa maison. «Nous sommes plutôt maniaques avec le ménage et l’entretien de la cuisine. C’est normal, on y passe une bonne partie de la journée et on y cuisine». Vous voulez dire que vous réchauffez des plats tout prêts dans le micro-onde? «Non, on cuisine vraiment sur place pendant une bonne demi heure. Cela fait partie de la tradition de Sagrave. Pour être batelier ou pilote, il faut savoir cuisiner de bons petits plats. Aujourd’hui, j’ai prévu du poulet avec des spaghettis aux lardons et champignons». De retour sur le pont supérieur, la drague est déjà en vue. A quelques mètres d’une forêt rouge, orange et jaune, sa blancheur métallique se dresse sur une quinzaine de mètres de haut et une cinquantaine de mètre de long. Cinq ancres stabilisent l’engin. Une immense benne mécanique s’enfonce à 30 mètres de profondeur à la recherche des précieux graviers. Le «Savoie» accoste en parallèle. Des câbles reliés à des treuils se chargeront de faire avancer ou reculer le chaland en fonction du tas de gravier en train d‘être rempli dans la cale. Il faudra environ deux heures pour que les quatre tas soient prêts. Sur la drague, des tamis sélectionnent les quatre types de matériaux. Des tapis roulants emmènent les différentes sortes de matériaux dans des silos en stock avant d’être chargés. C’est le sable qui est en premier emmené à l’extrémité de la cale. Ensuite, le gravier le plus gros, du côté de la cabine. Puis, deux autres tas du milieu. En alternance, bien sûr, afin d’équilibrer l’opération. La drague a elle aussi un local de pilotage agrémenté d’une cuisine. Vers 12 h 30, lorsque le chaland est presque plein, le dragueur en chef, Fabien Pachoud se met à peler des pommes de terre qu’il jette ensuite dans une poêle pleine d’huile brûlante. Lui aussi cuisine aujourd’hui pour son batelier Michel Chomont. Avant de pouvoir déguster les patates rôties, il doit soudainement gérer un moment délicat. Des vagues se sont levées. Assez fortes, à voir l’agitation soudaine sur le pont. Il faut se dépêcher de finir le chargement. Joint par la radio, un employé de la Sagrave à Ouchy affirme que c’est le calme plat à Lausanne. Le «Savoie» peut donc repartir sans crainte de croiser les fameux vents du lac. Sur le chemin du retour, on déguste le poulet et les pâtes aux lardons. Tout en profitant d’une vue imprenable sur les villas de la terre sainte, à commencer par la majestueuse maison de Schumacher, puis celle de la famille Bertarelli, un brin dissimulée derrière les arbres. Dans la brume automnale, le chaland s’éloigne de ce petit coin flamboyant et bien gardé pour reprendre le grand large.

Emilie Veillon

">Télécharger: Une journée à bord du «Savoie» (pdf 5 Mo - batimag 11/08)

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