Le Bhoutan construit une ville «anti-Dubaï» signée BIG
Dans le royaume himalayen du Bhoutan, une cité émergente est actuellement en construction afin de lutter contre l'exode des jeunes. Mais au lieu d'une mégapole avec des gratte-ciel, le concept développé par les architectes danois de Bjarke IngelsGroup se caractérise par l'utilisation du bois et l'architecture bouddhiste.

Crédit image: Bjarke Ingels Group (BIG)
La Gelephu Mindfulness City au Bhoutan privilégie la pleine conscience et vise à créer des emplois et à promouvoir l'innovation, tout en constituant un modèle bhoutanais durable pour le développement moderne.
Le Bhoutan est le seul pays au monde à avoir introduit un
indice du bonheur: le petit royaume himalayen, niché entre le Tibet et l'Inde,
mise d'ailleurs sur ce «bonheur national brut» (BNB) pour améliorer sa croissance économique. Les
aspects écologiques, spirituels et sociaux sont mis sur un pied d'égalité avec
les aspects économiques dans cet indice. Le bien-être spirituel de la
population ainsi que la préservation de la culture et de la nature sont au
centre des préoccupations.
Cela se reflète également dans le fait que plus de 50 %
du territoire du Bhoutan est protégé. En outre, la Constitution stipule qu'au
moins 60 % du territoire doit rester boisé à jamais. Bien que le Bhoutan soit
le seul pays à avoir un bilan carbone négatif et qu'il joue un rôle de pionnier
en matière de durabilité et de conscience environnementale, le royaume est
confronté à un autre problème: l'exode de sa population. De nombreux jeunes sont en effet attirés
par l'étranger. L'une des principales raisons est l'économie du pays, qui reste
fortement axée sur l'agriculture et n'offre que peu d'emplois attrayants à la
jeune génération, de plus en plus bien formée. En réponse à cela, le roi du
Bhoutan, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, a lancé fin 2023 un projet ambitieux
de 100 milliards de dollars: la Gelephu Mindfulness City (GMC).
Le mégaprojet expliqué dans une vidéo. (Source: Gelephu Mindfulness City, Youtube)
Il s'agit d'une nouvelle cité qui doit voir le jour
dans le sud du pays, près de la frontière indienne. La GMC doit créer des
emplois, encourager l'innovation et constituer en même temps un modèle
bhoutanais durable pour le développement moderne. Une fois achevée, la ville
couvrira une superficie de 1'000 km² en tant que zone économique autonome,
ce qui correspond à peu près à la superficie de Hong Kong.
Capitale de la pleine conscience
Mais la GMC ne sera pas une mégapole densément peuplée avec une ligne d'horizon
imposante et des bâtiments gigantesques. Au contraire, il est prévu de créer
une capitale «de la pleine conscience» qui allie économie, écologie et culture.
Elle s'oppose ainsi fortement à des villes comme Dubaï, avec ses îles
artificielles, ses gratte-ciel toujours plus hauts et sa croissance apparemment
illimitée, ou avec des mégaprojets comme «The Line », actuellement en
construction dans le nord-ouest de l'Arabie saoudite dans le cadre du projet de
ville désertique Neom.

Crédit image: Bjarke Ingels Group (BIG)
Voici à quoi pourrait ressembler le centre spirituel Vajrayana sur l'un des ponts.
Le concept de Mindfulness City est imprégné de valeurs
bouddhistes et mise sur une croissance lente et organique, un lien étroit avec
la nature et la préservation de l'identité culturelle. Une fois achevée, la
ville comprendra des universités, des serres, des hôpitaux, des marchés bio,
une infrastructure alimentée par l'énergie hydraulique et exclusivement des
véhicules électriques.
Signé BIG
Le plan directeur de la ville de la pleine conscience a été élaboré par le
Bjarke Ingels Group (BIG) en collaboration avec Arup et Cistri. Il prévoit onze
quartiers reliés entre eux par neuf ponts multifonctionnels. Ceux-ci ne servent
pas seulement d'infrastructure de transport, mais abritent également des équipements
urbains. Parmi ceux-ci figurent un centre spirituel Vajrayana, une université
et un centre de santé.

Crédit image: Bjarke Ingels Group (BIG).
Le barrage du temple Sankosh alliera production d'énergie et spiritualité – un temple bouddhiste est prévu en son centre.
La Mindfulness City sera construite comme une «métropole de faible hauteur»: tous les bâtiments auront donc six étages au maximum. De plus,
la construction évitera autant que possible l'utilisation de béton et d'acier,
très émetteurs de CO2. Un autre élément central de l'urbanisme est la gestion
des défis climatiques: la région au pied de l'Himalaya est sujette aux inondations
pendant la mousson.
Au lieu de construire des canaux en béton massifs, les
urbanistes misent sur une solution traditionnelle: des zones tampons agricoles
avec des rizières seront aménagées autour des rivières, au cœur de la GMC.
Elles serviront d'éponges naturelles qui absorberont l'excès d'eau et
protégeront la ville des inondations en cas de fortes pluies. En même temps,
l'intégration des rizières dans le paysage urbain vise à préserver l'identité
agricole du Bhoutan.

Crédit image: Bjarke Ingels Group (BIG).
Des rizières seront aménagées au cœur de la Mindfulness City, notamment pour protéger les quartiers des inondations.
Une grande partie de l'architecture s'inspire des
constructions traditionnelles du Bhoutan. Par exemple, les «dzongs», des
monastères fortifiés, ou les «kachen», des colonnes en bois sculptées et
peintes avec art. Parallèlement, les concepteurs misent sur des matériaux
locaux tels que le bois et la pierre pour la construction. La conception vise à
créer une transition fluide entre l'architecture et le paysage, afin que la
ville s'intègre comme une structure organique dans les rizières, les forêts et
les collines.
Une autre particularité de la ville de la pleine
conscience est le barrage du temple Sankosh. Cet édifice remarquable vise à
allier production d'énergie et spiritualité: un temple bouddhiste est niché en
son centre. Son architecture s'inspire des puits à marches indiens: la
conception en terrasses et en gradins composée de sections colorées rend le
barrage accessible et crée en même temps des lieux de vue et de rencontre.
Première étape: l'aéroport (sic)
La construction d'un aéroport international est un élément clé du projet. Les
travaux de construction ont commencé ces derniers jours. L'aéroport s'étendra
sur 4 km² au-dessus de la rivière Paitha et comprendra, entre autres, une
piste d'atterrissage de 3'000 m de long et un terminal entièrement construit en
bois. Son ouverture est prévue pour 2029. La réalisation de la Gelephu
Mindfulness City prendra au moins une décennie. Le Bhoutan souligne toutefois
que le calendrier du projet est secondaire. L'essentiel est que la ville reste
fidèle aux valeurs de durabilité, de préservation culturelle et de bien-être du
Bhoutan.
Gelephu doit montrer que progrès, spiritualité et
responsabilité écologique ne sont pas nécessairement contradictoires. Une fois achevée,
la ville de la pleine conscience pourrait peut-être devenir un nouveau modèle
de développement urbain durable.
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d'informations sur le projet