Le bâtiment se prépare depuis l’automne à un net ralentissement de ses activités

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L'activité de la construction en Suisse n’est pas à l’abri de la conjoncture maussade. Pour l’heure, marché du travail et exportations transmettent un sentiment de stabilité; le moral des consommateurs est encore intact. Mais l'économie globale devrait connaître une croissance moins dynamique ces prochaines années. Le risque de récession est désormais un scénario probable. 

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Même si les nuages s’accumulent dans le ciel économique suisse et que les investissements dans la construction fléchissent, la place helvétique est bien armée pour résister.

Le sentiment de malaise et d’incertitude est général. Résultat en Suisse : gros œuvre et second œuvre s’en ressentent. Les investissements pour des constructions immobilières – calculé sur la base des demandes de permis de construire – ont globalement chuté de 16,7 % au troisième trimestre 222 par rapport à la même période de l'année précédente. Cela représente de loin la plus forte baisse depuis le début de la pandémie. La quantité de projets enregistre également un net recul par rapport au trimestre précédent. Un constat à relativiser toutefois, car la valeur globale des projets demeure à un niveau remarquable avec plus de 12,0 milliards de francs. Autre chiffre encourageant : elle n'est inférieure que de 3,9 % par rapport à la moyenne des trois premiers trimestres 2022.

Nouvelle hausse des taux d'intérêt
L'évolution des prix des matériaux de construction, de l'énergie et des denrées alimentaires a fait flamber l'inflation, obligeant toutes les banques centrales à réagir. Après avoir évalué la situation monétaire en septembre, la Banque Nationale suisse (BNS) a relevé ses taux d'intérêt. Ce resserrement de la politique monétaire, débuté en juin, n'a eu que peu d'impact sur le marché hypothécaire et immobilier, selon le vice-président de la BNS Martin Schlegel. En effet, le marché suisse du logement est demeuré stable, et ce, malgré une hausse sensible des coûts de financement de la propriété. Selon l'entreprise de conseil et de recherche Fahrländer Partner Raumentwicklung, la hausse des prix enregistrée au cours du dernier trimestre a été de 2,2 % pour les appartements en propriété et de 1,5 % pour les maisons individuelles. Pour Donato Scognamiglio, CEO de la société de conseil en immobilier IAZI AG, la solidité dont témoigne le marché est la conséquence d’une tendance à placer son patrimoine dans des valeurs réelles comme des biens immobiliers, en période de dépréciation monétaire et de grande incertitude.

Le recul de la construction ainsi que la diminution de l'offre ont également contribué à la stabilité des prix, d'autant plus que le taux de logements vacants à fin juin est descendu à 1,31%, contre 1,54 % un an auparavant. Cette raréfaction de l'offre s’est traduite par une hausse des loyers de 0,7 % en septembre, selon l'indice des loyers Homegate. Comparés à l'année précédente, les loyers ont augmenté en Suisse de 2,8 %.

A la lecture des chiffres et statistiques collectés par Docu Media Suisse, il semble que l'on se dirige vers un ralentissement dans la construction de logements. Au troisième trimestre, le volume de l’activité a reculé de 17,5 % par rapport au même trimestre de l'année précédente. Un repli encore plus marqué a été observé dans le secteur des immeubles collectifs qui a chuté de 21,3 %. Par rapport au trimestre précédent, le volume prévu de ces constructions a baissé de 9,4 %. La tendance à la baisse concerne principalement l’activité de constructions neuves, mais la situation n’est guère plus reluisante dans le secteur des transformations.

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Le secteur des immeubles de logement est particulièrement touché par le ralentissement des affaires. Par rapport au troisième trimestre de l’année dernière, l’activité a chuté de 21,3 %.

Le seul secteur à afficher actuellement une hausse est celui des maisons individuelles. Les investissements projetés ont augmenté de 2,2 % au troisième trimestre (trimestre précédent : +1,3 %). Sur une base annuelle, le segment des maisons individuelles a toutefois perdu 3,9 % ce qui témoigne d'une plus grande prudence des maîtres d'ouvrage en raison de l'évolution des taux d'intérêt.

Ralentissement de la croissance
Pour lutter contre l'inflation, la BNS a laissé entendre que de nouvelles hausses des taux d'intérêt pourraient être à l’ordre du jour. Pour 2022, elle s'attend à un renchérissement annuel de 3,0 %. Au premier trimestre 2023, l'inflation devrait même atteindre les 3,4 % pour ensuite se stabiliser à 2,4 % en cours d’année. Les prévisions antérieures tablaient sur 1,9 %. Pour 2024, les prédictions font état d'une inflation de 1,7 % (précédemment : +1,6 %). La marge de fluctuation estimée par la BNS se situe dans une fourchette entre zéro et deux pour cent d'inflation au maximum. Compte tenu de la « faible évolution économique » à l'échelle mondiale, la BNS a revu à la baisse son estimation du produit intérieur brut (PIB) pour l'année en cours, à « environ 2 % » (auparavant : « environ 2,5 % »).

Le Groupe d'experts de la Confédération a lui aussi considérablement revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l'économie suisse. Les économistes fédéraux envisagent une augmentation de seulement 2,1% du PIB pour l'année en cours (contre 2,8 % précédemment). Quant à l'année 2023, le Secrétariat d'Etat à l'économie table sur une croissance du PIB de 0,8 % au lieu de 1,6 %. Dans un environnement hautement dynamique, soumis à de multiples facteurs d'influence, les prévisions sont sujettes à une « extrême incertitude ». Moins d'électricité nucléaire, des livraisons de gaz réduites, le tout associé à un hiver rigoureux, pourraient entraîner un rationnement de l'énergie et provoquer une récession. Selon le Seco, ce scénario entraînerait une contraction de l'économie suisse de 0,8 % en 2023 et une hausse des prix de plus de 4 %. Pour le moment, les économistes fédéraux ne s'attendent toutefois pas à une récession – du moins tant que l'approvisionnement en électricité et en gaz sont assurés. Dans sa définition la plus courante, une récession désigne une phase économique au cours de laquelle le PIB connaît une baisse sur au moins deux trimestres consécutifs.

Le scénario du pire
Selon l'UBS, un ralentissement de la dynamique de l'économie est inévitable. Les économistes de la banque ont ramené leur prévision de croissance du PIB à 0,6 % pour 2023 (contre 0,9 % précédemment), étant donné que les entreprises suisses souffrent non seulement de la hausse des prix de l'énergie, mais aussi du fléchissement de la demande en provenance de la zone euro. Dans le scénario de base d'UBS, l'économie suisse peut encore éviter une récession.

En effet, ce n'est qu'en cas de pénurie de gaz naturel et d'électricité que les entreprises européennes pourraient voir leur production s'arrêter et s’enfoncer dans la crise. Toujours selon les experts d'UBS, la Suisse ne pourrait alors pas échapper à cette situation. Dans ce cas, il faudrait s'attendre à un net recul de la performance économique, même si la Suisse devrait être moins touchée que l'Allemagne par exemple. Selon les experts de la banque, cette situation serait due au fait qu'en Suisse, l'énergie représente un facteur de coût moins important que dans d'autres pays européens. Les consommateurs, les producteurs et la balance commerciale en subiraient donc moins les conséquences qu'en Europe, par exemple. A titre de comparaison : la Suisse consomme deux fois moins d'énergie par unité de PIB que la moyenne des pays de l'OCDE, précise le Seco.

Consommation privée au secours de l'économie
Malgré les nombreuses incertitudes et la menace d'une pénurie d'énergie, l'économie suisse devrait donc continuer à progresser, tant cette année que l'année prochaine. En revanche, la récession attendue en Europe nous affectera également. C'est ce qu'estiment les économistes du Crédit Suisse dans la dernière édition du « Moniteur Suisse ». Une croissance vigoureuse de la consommation permettrait néanmoins d'éviter une récession sur le territoire helvétique. En effet, la solidité du marché du travail génère un climat de consommation relativement bon. En septembre, le taux de chômage est passé sous la barre des 2 %, une situation qui ne s'était plus produite depuis plus de vingt ans. L'immigration devrait également continuer à favoriser la croissance de la consommation. Les écologistes de CS ne s'attendent pas à de graves pannes de courant ou à un rationnement du gaz.

Certains secteurs de l'industrie, comme les entreprises à forte consommation d'énergie, pourraient toutefois être confrontés à des pénuries d'approvisionnement qui entraîneraient des baisses de production, notamment dans les secteurs de la chimie et de l'acier. Près d'un tiers de ces sociétés redoutent des pertes de production au cours des six prochains mois en raison de la hausse des prix de l'énergie. Plus d'un tiers d'entre elles craignent même de graves pertes de production, avec un risque de chômage partiel. C'est ce que révèle l'enquête du Crédit Suisse et de l'association professionnelle Procure.ch dans le cadre du calcul de l'indice des directeurs d'achat (PMI). Néanmoins, en septembre, l'indice de l'industrie a enregistré une étonnante hausse de 0,7 % pour atteindre 57,1 points, sachant que la barre des 50 points est synonyme de croissance.

A titre de comparaison, au plus fort de la crise Covid, l'indice avait chuté à 41,2 points. Toujours selon cette enquête, les carnets de commandes des entreprises industrielles sont bien remplis et les effectifs sont en augmentation. Parallèlement, la situation en matière de délais de livraison revient à la normale. En réponse aux incertitudes croissantes, les entreprises augmentent leurs stocks.

Prudence de mise dans l'industrie
Dans l'ensemble, le secteur des exportations a enregistré de bons résultats au troisième trimestre. Selon l'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières (OFDF), les exportations ont augmenté de 1,3 % par rapport au trimestre précédent, en données corrigées des variations saisonnières, pour atteindre un nouveau record. Seule l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux a vu ses exportations reculer de 3,0 % au terme des deux premiers trimestres de l'année.

Le climat d’incertitude a poussé l'industrie à freiner les investissements prévus dans le parc immobilier au cours du trimestre écoulé. En comparaison annuelle, la baisse est de 24,5 %, contre 14,0 % au trimestre précédent, selon les statistiques de Docu Media Suisse. Néanmoins, le volume de construction dans ce segment se situe juste en dessous de la moyenne à long terme sur dix ans (-1,5 %).

Le tourisme devrait bénéficier de la levée des restrictions liées à la pandémie. Après une bonne saison estivale, on s'attend à un bond de 16 % du nombre de nuitées pour la saison hivernale pour atteindre près de 17 millions de nuitées, comme l'indique le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’EPFZ. Ce sont avant tout les clients nationaux, mais aussi européens et de plus en plus d'outre-mer, qui devraient stimuler les affaires hivernales, bien que celles-ci puissent subir le contrecoup de l'appréciation du franc. L'augmentation des investissements dans la construction hôtelière s'inscrit parfaitement dans ce tableau. Ainsi, la valeur globale des constructions a augmenté de 34,8 % au troisième trimestre en comparaison avec l'année passée. Au premier trimestre, cette valeur était similaire, mais en négatif. L’embellie se reflète également dans la moyenne à long terme, qui a été largement dépassée.

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