15:07 PROJETS

Le LEB entre dans la modernité par un tunnel percé sous Lausanne

Écrit par: Philippe Chopard
Teaserbild-Quelle: Maurice Schobiger

Par un relativement court tunnel de 1,4 kilomètre, le Lausanne-Echallens-Bercher (LEB) vient de franchir un grand pas dans son développement. Désormais, ses trains passent en toute sécurité sous l’avenue d’Echallens, à Lausanne. Le chantier d’excavation de la nouvelle galerie entre le parc de La Brouette et la gare d’Union-Prilly a été confronté à de très nombreux défis lancés par un environnement très densément urbanisé et un sous-sol plein de mauvaises surprises.

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Crédit image: Maurice Schobiger

Après cinq ans de travaux, le nouveau tunnel sécurise un parcours vieux de 150 ans entre la gare d’Union-Prilly et le centre-ville de Lausanne.

Habituée à creuser son sous-sol pour y faire passer des métros et des trains, l’agglomération lausannoise ne s’attendait certainement pas à faire face à autant de surprises dans la mise sous terre du nouveau tracé du Lausanne-Echallens-Bercher (LEB). Démarré il y a cinq ans, le chantier vient de se terminer pour modifier profondément le paysage urbain. La discrétion des travaux souterrains est venue contraster avec son importance stratégique dans le réseau des transports publics de la capitale vaudoise.

Sur 1,4 km de longueur, le nouveau tunnel foré et équipé va changer les habitudes. Les Lausannois étaient en effet accoutumés à voir circuler les trains le long de l’avenue d’Echallens en direction et en provenance du Gros-de-Vaud. Un tracé datant du XIXe siècle, et peu compatible avec l’augmentation de la circulation urbaine.

« La sécurité des usagers était déjà d’actualité à l’ouverture de la ligne en 1873, explique Michael Chatelan, chef de projet du LEB. A l’époque, une personne devait même courir devant les convois en criant pour prévenir les piétons de s’écarter.» Pour résoudre une fois pour toutes les dangers d’une liaison en surface, dans un environnement très urbanisé, les directions du LEB et des TL, qui viennent de reprendre la gestion de la ligne, ainsi que l’Etat de Vaud et la Ville de Lausanne, ont donc décidé de l’enterrer. Le montant initial des travaux, 136 millions de francs, a été pris en charge par la Confédération à raison des deux tiers et pour le restant, par le canton de Vaud. Le coût final du projet fait l’objet d’un dépassement que les partenaires sont encore en train d’évaluer.

Sondages préalables justifiés
Percer un nouveau tunnel confronte ses responsables à une multitude de difficultés. Le chantier a été le théâtre de nombreuses prouesses techniques, d’ingéniosité et de persévérance. Mais les sondages du terrain effectués au préalable l’ont grandement facilité.

En prélude du percement de ce tunnel, l’entreprise Marti a tout d’abord dévié les réseaux souterrains de l’avenue d’Echallens. Dès 2017, la zone de la gare d’Union-Prilly s’est muée en chantier sous l’impulsion de l’entreprise Frutiger. Elle a reçu un pont provisoire de 170 m de longueur destiné à maintenir le trafic ferroviaire pendant le chantier principal. Cette construction a provoqué l’arrêt de l’exploitation des trains pendant cinq semaines en été 2018. Une maison riveraine a aussi fait les frais de l’aménagement en taupe de la trémie. Une paroi berlinoise ancrée a consolidé le terrain sous l’avenue. Sous le pont, les ouvriers ont donc pu aménager le nouveau tracé d’accès au tunnel en toute quiétude. Après l’ouvrage, en direction de Lausanne, 70 m de travaux en contre-attaque ont mené à la jonction avec le forage amorcé depuis le centre-ville de la capitale vaudoise.

Accès au chantier par un puits
Comme tout chantier souterrain, celui du LEB s’est longtemps fait discret. Mais c’était sans compter avec les enjeux et les défis colossaux lancés sous la ville de Lausanne. Dans l’ancien parc de La Brouette, les travaux ont commencé par l’aménagement d’un puits d’accès de 12 m de diamètre et de 42 m de profondeur pour permettre aux ouvriers de travailler à l’excavation du tunnel.

Le consortium composé des sociétés Infratunnel SA, Gasser Construction, SIF Grouthor SA et Bertholet + Mathis SA a réalisé ces travaux. Il s’est d’abord consacré à doter le puits d’accès de la Brouette d’une plateforme de travail à 25 m de profondeur. L’accès au tunnel principal se faisait par une galerie construite en voûte parapluie.

LEB 3

Crédit image: Maurice Schobiger

La haveuse principale, un monstre de 120 tonnes, a pu forer une surface de 50 m² sur l’ensemble du tracé. Elle était ensuite remplacée par un engin plus petit pour que la galerie atteigne son diamètre définitif.

Percer un tunnel est une chose, en évacuer les matériaux excavés en est une autre. Comme les travaux se sont déroulés en milieu densément urbanisé, il fallait éviter d’encombrer le trafic en surface avec une noria de camions évacuant les matériaux. Le projet a pu compter sur la présence d’un autre tunnel, situé à 50 m seulement du puits d’accès de La Brouette et relié à l’usine d’incinération lausannoise Tridel. Les matériaux excavés ont d’abord été stockés dans un silo de 500 mᶟ situé sous la plateforme de travail du puits de La Brouette avant de passer par tapis roulant dans une galerie de liaison et d’être chargés dans des wagons cargos. Cela pour finalement gagner la décharge du Lessus, à Saint-Triphon dans le Chablais, et d’être éventuellement réutilisés sur d’autres chantiers.

Au pic d’excavation, ce sont 1200 t de matériaux qui ont pu être ainsi évacuées chaque jour. Le tracé du tunnel n’épouse pas complètement celui de l’avenue d’Echallens. Fort heureusement, les investigations géologiques menées en 2014 déjà ont permis de le dévier dans le secteur de Montétan. Un gisement de moraines aurait compliqué le passage du tunnel. Avant même de commencer les travaux, les responsables du projet ont préféré passer sous l’Hôpital de l’enfance de Lausanne pour disposer d’un terrain plus homogène et plus favorable.

Les machines de percement du tunnel, et en particulier une haveuse Eickhoff ET 450, ont emprunté le puits d’accès de La Brouette pour se mettre au travail. Une opération délicate pour l’engin principal, un monstre de 120 t qui a dû être séparé en quatre parties pour être réassemblé au fond du puits d’accès. « La manœuvre est ordinaire, précise Michael Chatelan. Ces engins ne peuvent de toute façon pas être transportés en une seule pièce. Et la longueur du bras de la haveuse obligeait son démontage pour atteindre le tunnel. »

Le recours à une haveuse s’est justifié par les conditions géologiques du terrain traversé. Comme le chantier se trouvait en milieu urbain, il aurait été malvenu de recourir à l’explosif. L’emploi d’un tunnelier n’était de plus pas adapté au terrain, car trop onéreux pour être valablement engagé sur une longueur de 1,4 kilomètre seulement.

Une molasse remplie de quartz
L’excavation proprement dite a commencé dès janvier 2019. Avec tout son cortège de défis techniques. Bien qu’assez homogène, le sous-sol de molasse contenait beaucoup de quartz en divers endroits. Il a fallu le dépoussiérer au moyen d’aspirateurs géants. Le chantier a été de plus confronté à la présence de soufre sous forme solide. Au contact de l’air, cette roche a produit des émanations toxiques. «  Il a fallu interrompre le chantier pour comprendre ce qui se passait et renforcer la protection des ouvriers », explique encore Michael Chatelan.

Le type de haveuse géante utilisé pour ce chantier a autrefois fait le bonheur des mines de charbon. L’engin fait état d’une puissance embarquée de 490 KW, dont 300 pour sa tête de coupe. Il a pu creuser une surface de 50 m² à la vitesse de 3,5 m par jour. Une haveuse plus petite, l’Eickhoff ET 120, a pris le relais pour porter la surface creusée à 75 m². Elle a œuvré tantôt à gauche tantôt à droite de la galerie, pour laisser une zone libre pour l’évacuation des matériaux.

Un pont pour les dumpers
Les dumpers accédaient aux tapis roulants par un pont installé au-dessus du ferraillage de la galerie. Ils gagnaient ensuite le silo du puits de la Brouette. Les voûtes sont faites de béton projeté. Le bétonnage du radier intervenait enfin de manière progressive. « En tout, le forage du tunnel était assuré par cinq ateliers différents », souligne le chef de projet. La présence occasionnelle de roches très dures a compliqué le travail d’excavation. Les têtes de coupe en acier des haveuses ont été mises à rude épreuve. De même, la texture très diverse de la molasse a pesé sur le rythme du forage.

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Crédit image: Maurice Schobiger

Les nouvelles voies sont dépourvues de ballast. Les travaux d’équipement ont touché l’électromécanique et la ligne de contact, tout en assurant la liaison entre le nouveau tunnel et le tronçon du LEB entre Chauderon et le Flon.

Le tunnel a finalement été percé à la fin septembre 2020. Dès cette date, un nouveau consortium d’entreprises piloté par Implenia a pu prendre le relais pour équiper l’ouvrage avec la double voie et les installations techniques nécessaires au passage des trains. Avec de nouveaux défis, comme le raccordement au réseau d’électricité, les équipements électromécaniques et la liaison avec le tronçon entre Chauderon et le Flon.

Deux tunnels raccordés
« Nous avons profité de l’arrêt de l’exploitation de la ligne pour le raccordement au nouveau tunnel pour effectuer des travaux d’amélioration entre ces deux gares, indique encore Michael Chatelan. La ligne de contact a été changée et les voies ont été remplacées par une structure sans ballast.» Les gares ont été modernisées et les raccords électriques avec le nouveau tunnel assurés. D’ultimes tests de maintenance et de sécurité ont précédé les festivités d’inauguration de mi-mai.

Au parc de La Brouette, le puits et la zone de chantier qui l’entoure laissent à nouveau la place aux jeux pour enfants. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas été privés d’espace de loisirs pendant la durée des travaux. Le square d’Echallens, situé à 400 m, avait été rénové pour les accueillir dès 2018.

Le LEB et son nouveau tunnel à double voie contribuent au développement de l’offre en transports publics entre Lausanne, son agglomération et le Gros-de-Vaud. « Le nouveau tunnel offre ainsi deux avantages, se réjouit encore le chef de projet. Il sécurise le passage des trains et améliore l’offre de transports. »

Des quais pour des trains plus longs
Le développement de la ligne entre Lausanne, Echallens et Bercher ne va pas s’arrêter à ce tunnel. De prochaines adaptations vont toucher les gares de Romanel et de Jouxtens-Mézery dans les années à venir. Notamment en faveur des personnes à mobilité réduite. Des quais rehaussés et plus longs contribueront ainsi au développement de cette liaison ferroviaire. Pour les riverains de l’avenue d’Echallens, le gain en qualité de vie est inestimable. Débarrassé des trains qui y ont circulé en surface pendant 150 ans, cet axe routier sera totalement réaménagé d’ici 2028, avec davantage de zones vertes et des espaces voués à la mobilité douce. La Ville de Lausanne s’est de mise à la tâche et compte sur sa population pour mieux la mener à terme. Petit à petit, le paysage urbain prendra une couleur plus verte et plus douce.

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