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Le nouveau théâtre de Vidy est fidèle à son modèle originel

Écrit par: Jean-A Luque
Teaserbild-Quelle: Jean-A. Luque

Signé Max Bill, le Théâtre de Vidy devait être éphémère, le temps d’un été et de l'Expo 64. Imaginé pour n’exister que six mois, il a résisté pendant plus d’un demi-siècle. Mais le bâtiment souffrait d’une grave obsolescence technique et de soucis de sécurité. Après deux ans et demi de travaux de grande envergure, le complexe, qui a été mis à nu, renaît et dévoile son nouvel écrin !

Théatre de Vidy 1

Crédit image: Jean-A. Luque

Les façades du Théâtre de Vidy ont retrouvé leur aspect de 1964 avec des panneaux en acier inoxydable aux dimensions originales. Ces plaques brutes servent de bardage derrière lesquels 20 cm d’isolation ont été installés.

Sur les bords du lac à Lausanne, l’hiver est gris et blafard. Dans ce décor bergmanien, un iceberg aux façades inox brille tel un phare qui émerge à ras la brume. Le Théâtre de Vidy est plus étincelant que jamais. Fantôme de l’Expo 64, il vient de renaître au terme d’une impressionnante rénovation et agrandissement dont le coût approche les 30 millions.

Ceux qui sont aujourd’hui à la retraite s’en souviennent peut-être. Dans les années 1960, en plein boom des Trente Glorieuses, la construction battait son plein. Et le produit de nombreuses excavations, remblais inertes, finit dans le lac, à Vidy, qui gagna ainsi l’espace idéal pour présenter l’Exposition nationale. C’est sur ce terrain fragile que Max Bill notamment imagina un grand pavillon de la culture. A partir d’une trame carrée de 5m de côté, il conçoit une toiture de 18 000 m² et de 3,3 m de haut, surélevée en quelques points. En limite nord du complexe se trouve un élément emblématique : le théâtre.

La structure devait être éphémère – aucune dalle ne la soutenait –, c’était sans compter l’opiniâtreté et la résistance de quelques personnalités de la scène culturelle locale, Charles Apothéloz en tête. C’est ainsi que 10 à 15 % du pavillon originel put être préservé. Au fil du temps, le théâtre a connu quelques modifications et rénovations : toutes les façades ont été remplacées (1974, puis 1998), les doubles hauteurs ont été divisées par des dalles (1985, 1998). Nonobstant l’ensemble a conservé tout au long de ces transformations une très forte identité visuelle et une cohérence architecturale générées par les choix constructifs et esthétiques de Max Bill.

Respect du patrimoine
Mais à presque 60 ans – alors qu’il a été conçu sur une base provisoire d’un seul semestre –, le théâtre de Vidy était devenu obsolète et méritait une cure de revitalisation. Le respect de l’identité du bâtiment a été une des priorités du maître d’ouvrage, la Ville de Lausanne, et des architectes de Pont12 chargés de procéder à cette renaissance. Tout a été mis en œuvre pour valoriser le travail de Max Bill, préserver la matérialité et la composition de ses volumes, dans la rigueur et simplicité originelle.


Théâtre de Vidy 3

Crédit image: Jean-A. Luque

Le volume de la salle principale a été rehaussé et approfondi de 5m afin de gagner une cinquantaine de places supplémentaires. Son espace scénique et ses installations techniques sont désormais à la hauteur de ses ambitions.

Les travaux ont duré deux ans et demi. Il faut dire que la tâche était immense. Il s’est agi dans le désordre de rénover et moderniser la salle principale Charles Apothéloz qui n’a connu aucune intervention majeure depuis sa création. Son volume a été rehaussé pour le confort du public et approfondi de 5 m afin de gagner une cinquantaine de places supplémentaires pour atteindre 430 sièges. Un tout nouvel espace lui a également été adjoint : une vraie salle de répétition afin de lui permettre de continuer son rôle d’institution de création de niveau européen.  Sans oublier le foyer du théâtre, la Kantina, avec son bar et sa terrasse au bord du lac, qui a été réinventé. Et ne parlons pas des différentes problématiques du bâtiment qui ont nécessité des investissements importants sur le plan de la sécurité et de la mise aux normes des installations techniques.

Théâtre de Vidy 2

Crédit image: Jean-A. Luque

La petite salle de la Passerelle, inaugurée en 1976, est pour sa part équipée d’un nouveau gradin rétractable à banquette de 98 places.

Pour les architectes, il a fallu répondre à une question moins simple qu’il n’y paraît : comment rénover l’existant et comment le prolonger par le nouveau volume de la salle de répétition ? La réponse passe par la conception originale de l’édifice, à savoir son ossature métallique et sa trame géométrique qui permettent d’ordonner son fonctionnement et de redéfinir plusieurs façades. Pour intégrer la nouvelle extension qui fait office de salle de répétition, les architectes se sont donc appuyés sur le système modulaire mis en place qui donne son rythme à l’ensemble. Le nouveau bloc se situe à l’est du grand pavillon central qui fait face au lac. Il encadre la cour des Arts ouverte sur la nature, le Léman et les Alpes. Ce parvis, lieu de rencontre avant et après le spectacle, est sorti renforcé esthétiquement par cette nouvelle aile asymétrique qui n’a pas les mêmes dimensions que le bloc de l’administration situé à l’ouest de la cour. S’il y a répétition de volumes, il y a aussi des décalages ; des effets de balancement, mais pas de symétrie.

Sécurité à toute épreuve
Si l’esthétique et le pragmatique ont été des axes prioritaires de cette transformation, il en va de même de la sécurité. Un concept sécurité incendie a été élaboré pour mettre l'édifice aux normes. Il concerne en particulier la protection de la structure porteuse conforme aux normes AEAI, l’adaptation des chemins et voies de fuite, l’ajout d’une voie d’évacuation verticale et la mise en conformité des escaliers de secours. Une infrastructure d’extraction de fumée et de chaleur a également être créée. Sans oublier un réseau de détection incendie.

Les enjeux environnementaux ne sont bien sûr pas en reste. De manière générale, les façades ont été refaites à neuf et l’isolation renforcée ; les toitures et l'étanchéité du bâtiment ont été rénovées. Les façades ont par ailleurs retrouvé leur aspect de 1964 avec des panneaux en inox aux dimensions originales. Ces plaques brutes servent de bardage derrière lesquels 20 cm d’isolation ont été installés.

Le théâtre offre 1485 m² de toitures végétalisées pour sa partie transformée (plus de 80 % de la surface existante) et 225 m² de nouvelle toiture végétalisée pour sa partie extension (nouvelle salle de répétition). Les toitures planes et libres de superstructures de la salle Charles Apothéloz et de l’extension sont équipées de panneaux photovoltaïques. A l’arrivée, le maître d’ouvrage certifie que le Théâtre de Vidy consommera 40 % d’électricité et 20 % de gaz en moins.

Le résultat final est remarquable, fidèle au modèle. L’air de ne rien toucher, les architectes offrent un théâtre prêt à répondre aux exigences d’une institution de référence à la hauteur de son rayonnement international. Le pari de la conservation et rénovation durable s’avère d’ailleurs payant. A référence semblable, le Théâtre de Carouge qui, lui, s’est entièrement reconstruit, a coûté près du double.

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