Le stade flambant neuf de Bordeaux a accueilli son premier match de football !
Bordeaux, capitale du grand Sud Ouest de la France, a investi dans un stade flambant neuf capable d’accueillir des matches du prochain Euro de football. Mais pour être rentable, l’enceinte devait être en mesure de s’adapter à de nombreuses compétitions sportives différentes et proposer également des spectacles et des événements culturels. Le célèbre bureau d’architectes bâlois a répondu à ce cahier des charges avec élégance et légèreté. L'inaugration de ce nouveau joyaua eu lieu fin mai.
Texte: J.-A. Luque
L’Euro 2016 de football se prépare discrètement, sans grand battage médiatique. En France, sur les sites de compétition retenus, les chantiers avancent. Il s’agit souvent de travaux de réfection ou de mises aux normes de l’UEFA. Mais à Bordeaux, c’est un tout nouveau stade qui sort de terre. Une enceinte étincelante et élégante. Un joyau signé Herzog & de Meuron. On ne présente plus le prestigieux bureau d’architecture suisse basé à Bâle. Au fil du temps, il a notamment signé quelques ensembles sportifs magnifiques. En Suisse, on lui doit le Parc Saint-Jacques à Bâle. En Europe : l’Allianz Arena de Munich. En Asie, l’extraordinaire Stade national de Beijing, le nid d’oiseau, véritable symbole des Jeux olympiques de 2008. Et désormais, la France peut s’enorgueillir d’accueillir leur dernière création : le nouveau stade de Bordeaux. Les passionnés de football connaissent bien le vieux stade Chaban- Delmas, siège des Girondins de Bordeaux. Construit en 1938, il était devenu obsolète et ne répondait plus aux exigences d’accueil des grandes compétitions. Pour être en mesure d’organiser des rencontres de l’Euro 2016 de football, Bordeaux se devait donc d’ériger un nouveau stade.
Multifonctionnel
Et la région n’a pas fait les choses à moitié en finançant cette enceinte moderne et multifonctionnelle. Il s’agit ni plus ni moins que de la plus grande scène de l’Atlantique, en mesure de présenter des événements tant sportifs que culturels. D’une capacité modulable de 42 000 places assises, ce stade est conçu pour accueillir une programmation riche et diversifiée : compétitions de football ou de rugby, spectacles, concerts, événements d’entreprises... L’édifice se veut un véritable lieu de vie sociale et de rassemblement dans le grand Sud-Ouest de la France.
C’est en tenant compte de ce cahier des charges qu’Herzog & de Meuron. Assistés de l’agence française d’architecture et d’urbanisme Groupe 6, ont conçu leur projet. Il se présente comme un prisme à l’intérieur duquel deux pyramides têtebêche donnent à voir les emmarchements et la face arrière des gradins. L’ensemble est soutenu par une mince forêt de poteaux entourant sa périphérie et dégage une impression de légèreté.
Un cadre exceptionnel
Le stade répond bien sûr à toutes les exigences en matière de sécurité, de respect de la réglementation, d’accessibilité, notamment des personnes à mobilité réduite, de fluidité, de confort des spectateurs, des joueurs et des médias, de modularité et de niveau d’équipement. Le projet, net et compact, s’intègre dans un paysage à l’italienne dessiné par Michel Desvignes.
Avec ses 42 000 places, le nouveau stade offre un cadre exceptionnel et un confort remarquable. Business oblige, il propose 3000 places « affaires » qui disposent de vastes salons avec vue sur le terrain et de deux terrasses donnant sur la pelouse.
Structure aérienne
Le Nouveau Stade de Bordeaux se distingue des autres enceintes sportives par la forme épurée de son volume et l’extrême légèreté de sa structure. Il s’inscrit avec élégance dans le grand paysage bordelais. Son architecture résulte de la combinaison de trois éléments constitutifs. En premier lieu, le bol, c’est à dire l’espace du jeu et de ses spectateurs. Ensuite, la coursive, l’élément de transition entre le terrain et l’environnement extérieur. Et bien sûr, enfin, l’apparence extérieure.
Le bol s’organise autour de l’aire de jeu selon une géométrie qui garantit une visibilité optimale à tous les spectateurs. La superposition de deux tribunes, divisées en quatre secteurs, et protégées des éléments par la couverture, forme également le bol, véritable réceptacle du jeu. L’ensemble est soutenu par une mince forêt de poteaux entourant sa périphérie dans la continuité du parvis planté d’arbres. Au niveau 3, la coursive ceinture l’aire de jeux et abrite buvettes et services. Elle établit le lien entre les deux étages des tribunes grand public. Elle offre une vue à la fois à l’intérieur, sur la pelouse et à l’extérieur, et sur le paysage. Quant au toit, d’une inclinaison de 7°, il protège les spectateurs du soleil et des intempéries. Il est composé de panneaux acoustiques qui permettent de bénéficier d’une qualité de son idéale, quelque soit l’événement.
Mix béton-acier inédit
La construction du Nouveau Stade de Bordeaux a été confiée au Groupement Stade Bordeaux Atlantique composé de deux acteurs majeurs de la construction : les groupes VINCI et FAYAT. Au-delà de son aspect architectural unique, cet édifice est constitué d’une structure inédite en France, un mix béton-acier qui remplace l’utilisation traditionnelle et quasi exclusive du béton. Le choix du procédé n’est pas anodin : il permet de diminuer considérablement le poids du stade, qui de fait nécessite des fondations réduites, entrainant un gain de temps et de coûts.
Le métal très présent sur le Nouveau Stade de Bordeaux constitue la structure des tribunes Nord et Sud, l’ossature de la volée haute, la charpente métallique du toit, l’essentiel de l’habillage (la sous-face du bol des gradins hauts, les bardages, la couverture du serpentin) et l’intégralité de la couverture de la toiture. La charpente est constituée de deux ensembles : les tribunes basses et quarts de virage Nord / Sud, puis l’intégralité des tribunes hautes et du toit.
Structure testée en soufflerie
Seules les tribunes basses Est / Ouest ont une structure en béton (jusqu’au 3e niveau). La structure a été testée en soufflerie atmosphérique au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) afin d’analyser l’effort du vent sur la structure et garantir une bonne ventilation de la pelouse sans générer de courants d’airs désagréables pour les spectateurs. Cette charpente représente 12 000 tonnes de métal, soit deux fois le poids de la Tour Eiffel.Elle est constituée de 644 poteaux circulaires en acier pouvant aller jusqu’à 37 mètres de hauteur et de 40 000 m2 d’habillage en matériaux aluminium composite.
Mastodonte pour le montage
L’étape du montage du toit a été aussi primordiale que spectaculaire. Elle a nécessité l’intervention d’une grue unique en France : la Liebherr 1600 / 2. Arrivée sur site mi-février, elle a été montée en 5 jours et a effectué son premier levage le 20 février 2014. Les équipes de chez Castel & Fromaget, ainsi que les membres de la société Ponticelli, professionnels en logistique sur ce type de matériel, ont été engagés conjointement dans la préparation et le transport de la grue. Pas moins de 50 semi-remorques ont été nécessaires pour amener l’ensemble des 47 composantes sur site. Les convois ont été anticipés avec un tracé précis des itinéraires afin de vérifier la possibilité de passage.
Le Carbody, la cabine de la grue, a eu droit à un convoi exceptionnel de nuit avec un camion muni de 11 essieux. Le poids de la pièce étant de 85 tonnes, un itinéraire spécifique a été emprunté sur routes résistantes et avec des espaces de braquage suffisants.
Jeu vidéo géant
Le Carbody est la pièce maîtresse et centrale de cette grue. Situé au sol, il est le centre de pilotage du grutier. A l’intérieur, 3 écrans retransmettent différentes prises de vue des caméras, situées sur différentes zones stratégiques, telles que la flèche, le treuil, et le Superlift, le système générant le contrôle des contrepoids. Un des autre système de capteurs mesure la vitesse du vent, l’oscillation de la tour, ainsi que la tension exercée lors de la levée des différentes charges, et fait état d’analyse permanente de l’environnement dans lequel la grue évolue. La grue se déplace sur chenilles sur un chemin de roulement en bois.
On s’en doute, un terrassement et aménagement du terrain a été nécessaire pour installer la Liebherr 1600 /2. Sa flèche culmine à 106 mètres de haut. Sa hauteur sous crochet, son plus haut point de traction, est de 92 m. Quant à sa force de levage, elle est donnée à 600 t. Avant d’être levés par la grue, les « carrés » de toit ont été assemblés au sol. L’emplacement du chantier a permis de mettre en place plusieurs zones d’assemblage tout autour de la structure du stade. Considéré comme l’élément symptomatique d’une réussite architecturale, la toiture est une étape clé dans la réalisation de l’enceinte. Son élaboration résulte d’études menées en amont de la phase de construction. Celles-ci ont été effectuées pendant les 18 mois de préparation du chantier correspondant à la phase d’avant-projet. Le CSTB a là aussi réalisé des tests en soufflerie afin de pallier aux problèmes d’aérodynamisme de la toiture, en fonction d’éventuels aléas climatiques.
Porte-à-faux de 55 m
La principale caractéristique de cette toiture est sa particularité à être soutenue au-dessus du vide, en porte-à-faux. Les poteaux « tirants », situés à l’extérieur de l’enceinte ont pour objectif d’équilibrer et de retenir la charge de l’élément de la charpente du toit, en étant directement boulonnés au sol. Le porte-à-faux du toit du Nouveau Stade de Bordeaux représente une longueur de 55 m. La jonction entre l’élément de la toiture et les poteaux tirants est établie par un axe, un cylindre venant se glisser à l’intersection des deux éléments. La partie du toit est simplement posée sur les embases de la volée haute, et est donc reliée aux poteaux tirants. Chaque élément du toit a été dans un premier temps pré-assemblé au sol. Ces éléments étaient posés sur des poteaux appelés « cavaliers » et ont requis 2 à 4 semaines de travail aux équipes du toit pour être pré-assemblés et prêts à être levés. Le temps de montage a bien évidemment dépendu de la taille du colis. Un colis moyen, de 70 t, se compose d’environ 5000 pièces. Le colis est pré-équipé par des garde-corps périphériques et par des filets, indispensables à la mise en sécurité des ouvriers qui interviennent sur l’habillage de l’élément. Une descente d’eau pluviale est également installée dans le but de récupérer les eaux de pluie, pour alimenter, à terme, la pelouse de l’enceinte.
Au total, 44 colis pesant entre 26 et 140 t composent l’ensemble de la toiture du Nouveau Stade de Bordeaux. La longueur du toit de 55 m est constituée de deux parties. Un colis de 35 mètres positionné sur les embases de la volée haute, et un prolongement de 20 mètres venant compléter la forme définitive de l’ensemble. L’habillage de la toiture a été directement effectué à 41 mètres de hauteur. Un échafaudage déplaçable positionné sur les gradins de la volée haute a permis d’habiller la sous-face de la toiture tout autour de l’enceinte. Pour la seconde partie du toit, le prolongement avancé au-devant des premiers rangs de gradins, des nacelles montant jusqu’à 48 mètres sont venues se positionner depuis le centre du terrain ainsi qu’au niveau 1, des salons.
Eclairage intégré
A noter que la quasi-totalité des luminaires du Nouveau Stade de Bordeaux est incrustée à la toiture de l’enceinte. Finie l’époque des projecteurs fixés sur des poteaux situés dans les quarts de virage de l’enceinte. Aujourd’hui, l’éclairage fait partie intégrante de la structure du toit et permet d’allier innovation et modernité en harmonisant l’esthétique de l’ouvrage. Un montage inédit a été anticipé afin de permettre aux techniciens d’intervenir directement au dos du projecteur, pour pouvoir changer une ampoule si nécessaire. Les projecteurs qui éclaireront le stade sont des projecteurs de 2400 W, en iodure métallique.