10:08 PROJETS

Opéra de Sydney : une splendeur qui vira au cauchemar pour son architecte

Le célèbre opéra de Sydney, devenu œuvre majeure du XXe siècle, a connu une mise en œuvre cauchemardesque pour son architecte, Jørn Utzon.

Sa vue évoque des coquillages qui s’entremêlent, ou les voiles d’un bateau, l’opéra de Sydney trône, majestueux, et fait la fierté des Australiens. Malgré sa terrible acoustique, il est l’un des bâtiments les plus célèbres du XXe siècle. Son emplacement et son architecture en font un lieu unique au monde. Son histoire, devenue aussi complexe que sa construction, en a fait le cauchemar de son concepteur. Pourtant, tout avait commencé par un rêve un peu fou.

Un architecte inconnu, mais brillant

Au début des années 1950, le Premier ministre de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud, Joseph Cahill, inspiré par le chef d’orchestre du Sydney Symphonic Orchestra de l’époque, lance l’idée d’un opéra. En 1955, le ministre annonce un grand concours international d’architectes pour dessiner l’ouvrage, qui devra être multifonctions: deux auditoriums et tous les équipements pour diffuser la culture musicale en Australie. Plus de 200 architectes participent au concours, et le choix se porte sur un jeune Danois, peu connu: Jørn Utzon.Le site est déjà choisi. "La pointe sur laquelle se dresse aujourd’hui l’opéra, était auparavant un dépôt de tram, un ancien fort militaire, qui avançait sur la baie. Et après mille tergiversations, le gouvernement a décidé de choisir ce site extraordinaire comme site du projet", détaille l’architecte.Jørn Utzon, comme la plupart de ses concurrents lors du concours, n’a jamais mis les pieds en Australie. Quand il arrive à Sydney, en 1958, les Australiens découvrent un homme de 38 ans, prometteur, ambitieux et "très bel homme."

Son projet est très audacieux et novateur

Le bâtiment trône sur une large plateforme minérale, couronnée par un ensemble de coquilles blanches. "C’était du jamais vu, tous les architectes du monde ont eu les yeux rivés sur lui et l’ont suivi dès le début", raconte l’historienne Françoise Fromonot. Et en effet, quel projet ! Jørn Utzon a très vite compris que, par sa position, l’opéra serait vu de tous les côtés. Par les bateaux naviguant dans la baie, mais aussi par le haut de la ville.Le bâtiment devait avoir cinq façades, résume la spécialiste.Utzon s’inspire alors de l’opéra Garnier de Paris, notamment pour comprendre les ingrédients nécessaires à un grand opéra. Le grand escalier, les foyers, les dispositions des scènes, des loges, etc. qu'il réarrange de manière inédite en raison de la configuration particulière du site de Sydney.

Il découvre que le site est sur un terrain mou

L’organisation de la construction de l’opéra s’organise en trois phases. La première consiste à construire le socle, la plateforme en béton armé, censée accueillir les services de l’opéra, les loges, etc. Mais aucun test de sol préalable n’a été effectué etles ingénieurs découvrent que le terrain est mou, et qu’il va falloir forer des pieux, "presque comme à Venise, pour supporter le poids du bâtiment",décrit Françoise Fromonot. Le coût total annoncé lors du lancement du projet est alors englouti pour la seule plateforme.La deuxième phase se révèle très compliquée également par l'esthétique des "voiles". Au départ, l’architecte souhaitait des voiles minces, en béton armé, pour utiliser les recherches les plus avancées des ingénieurs de l’époque. Or, le plan de l’opéra est irrégulier: les auditoriums ne sont pas prévus pour être placés parallèlement. Impossible de réaliser les "voiles" à un coût et dans des délais raisonnables avec cette technique. Il faut que la solution constructive soit la solution esthétique.Finalement, il trouve la solution après des années de réflexion, en 1962. "Il va pré-fabriquer sur place des 'triangles de voile', comme une orange que l’on découpe en triangle, des demi coupoles pliées et les assembler comme un mécano, à l’image d’une construction gothique», explique Françoise Fromonot.La construction des "voiles" durera plusieurs années, véritable casse-tête pour les ingénieurs. Le revêtement pose également problème. Jørn Utzon voulait du carrelage blanc. Mais comment recouvrir une surface courbée? Il décide alors d’importer de Suède des carreaux blancs, en deux finitions, mat et brillant, et fait préfabriquer sur le chantier de grandes tuiles carrelées, suivant la même géométrie que celle des coquilles."Ce qui donne un rendu incroyable, selon la spécialiste, comme une peau d’écailles". Un million de carreaux-tuiles sont nécessaires. Cette solution simple et cohérente trouvée par l'architecte va faire avancer la construction assez rapidement, alors qu’elle avait posé des problèmes insurmontables aux ingénieurs pendant plusieurs années.

La troisième phase ne verra jamais le jour, Utzon est acculé à la démission

Jørn Utzon n’aura jamais l’occasion de réaliser la troisième phase: construire les auditoriums, recouverts d’une sorte de seconde coque, en contreplaqué. Il avait pourtant tout étudié pour que l’acoustique soit parfaite. En 1965, l’Etat de Nouvelles-Galle du Sud change de gouvernement. Le ministre des Travaux publics remet en cause la conception de l’opéra et surtout son coût, qui a explosé depuis le départ. A cela s’ajoute la colère des entreprises australiennes qui reprochent à l’architecte de ne pas faire appel à elles. Jørn Utzon est alors acculé à la démission, les maîtres d’œuvre cessent de le payer.Il quitte l’Australie, quitte "sa créature" et n’y remettra jamais les pieds. Sa carrière est brisée, sa réputation salie.L’opéra ne sera finalement achevé que sept ans après son départ.En 1973, la reine Elisabeth II l’inaugure officiellement, en grande pompe, avec feux d’artifice et la Neuvième symphonie de Beethoven en fond sonore. L’architecte ne reçoit aucun carton d’invitation, son nom n’est même pas mentionné lors de la cérémonie.

Prix Pritzker en 2003

En 1998, l’Australie s’est officiellement excusée d’avoir disgracié l’architecte. Le pays l’a rappelé à cette époque pour effectuer des travaux dans le bâtiment. Il a poliment décliné l’invitation mais y a envoyé son fils, lui aussi architecte, qui inaugura la salle: Utzon Room.En 2007, le bâtiment est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. L’architecte reçoit le prestigieux prix Pritzker en 2003. Il meurt cinq années plus tard, à 90 ans, sans jamais être retourné à Sydney !

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