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Un drame comme celui du pont de Gênes serait-il possible en Suisse ?

Des ingénieurs italiens et suisses répètent que l’effondrement du pont Morandi était imprévisible, d’autres, au contraire, assurent que le viaduc était très dangereux.

Mardi 14 août 2018, pendant un orage violent, la foudre frappe le pont Morandi, à Gênes, en Italie. Quatre blocs de 50 mètres de long se détachent alors du viaduc et s’effondrent, entraînant la mort de 35 personnes. Autostrade per Italia rappelle que d'importants travaux de rénovation avaient été menés sur l’ouvrage en 2016 et parle d'un accident «imprévisible». Son directeur pour la région de Gênes, Stefano Marigliani, assure que le pont était «constamment surveillé, bien au-delà des exigences légales» et qu'il n'y avait «aucune raison de penser qu'il était dangereux». Dans le même temps, Antonio Brencich, professeur agrégé en structures de béton armé à la Faculté d’ingénierie de Gênes déclare :«Ce pont est une erreur d’ingénierie, qui a, dès le début, présenté plusieurs défaillances structurelles, en plus de surcoûts importants de construction et d’une évaluation incorrecte des effets de retrait du béton ayant produit un plan de route non horizontal.»

Impossible en Suisse, selon Berne

A l’Office fédéral des routes (OFROU), le porte-parole Thomas Rohrbach répond de façon catégorique:«Une défaillance structurelle comme celle de Gênes n'est pas envisageable chez nous, du moins pas dans des circonstances normales.» Il rappelle que l'OFROU possède plus de 3000 ponts dans le réseau routier suisse, ouvrages qui ont en moyenne 30 à 40 ans et qui font l'objet d'une attention permanente. «Nos collaborateurs surveillent quotidiennement les éventuels dommages structurels visibles ou non». C'est sur la base de leurs remarques que la Confédération décide alors s'il faut envisager un assainissement. «En outre, chaque ouvrage est inspecté par des spécialistes externes au moins tous les 5 ans», ajoute-t-il. Et des contrôles sont effectués après chaque accident de voiture ou de véhicules incendiés.

Le pont Morandi avait subi d’importants travaux de réfection en 2016

«Des travaux de renforcement étaient en cours», explique le professeur Eugen Brühwiler du Laboratoire de maintenance, construction et sécurité des ouvrages de l’EPFL, qui estime que la structure pourrait avoir été fragilisée à cette occasion. «L’orage et les vents violents ont peut-être aussi accentué la sollicitation. L’accumulation de plusieurs facteurs est souvent à l’origine d’une telle catastrophe.» «Normalement, des signes annonciateurs d’un comportement anormal de la structure nous permettent d’intervenir à temps. Dans le cas présent, des dégâts de corrosion avaient été constatés sur l’armature en acier, liés notamment à l’utilisation de sel de dégivrage très corrosif», poursuit le spécialiste. Le professeur insiste sur l’importance du travail de maintenance sur de tels édifices et tout particulièrement sur des ouvrages connus pour leur vulnérabilité, comme celui-là.

«Cela arrive chaque année dans le monde» affirme un autre expert suisse

Un autre spécialiste des ponts, le professeur de l'EPFZ, Thomas Vogel, est moins catégorique dans leTages-Anzeiger. Il affirme: «un pont peut s'effondrer sans signaux d'alerte (...) Cela peut vraiment arriver, surtout sur un pont autroutier. Et avec la vitesse des véhicules, il est impossible de percevoir les signes avant-coureurs». Il ajoute encore que de telles catastrophes ont lieu chaque année dans le monde entier. «Si elles se produisent quelque part en Amérique du Sud, on trouve rapidement des excuses pour les expliquer. C'est plus compliqué quand cela se passe en Italie».

50 ans, ce n’est pas vieux pour un pont

Le viaduc de Gênes datait de 1967. Mais Thomas Vogel ne croit pas à l'âge du pont pour expliquer son effondrement. «Cinquante ans, ce n'est pas vieux pour un pont. S'il est entretenu et régulièrement inspecté, il peut tenir 70 à 100 ans, voire plus», affirme-t-il dans laNeue Zürcher Zeitung. Le professeur italien Antonio Brencich, quant à lui, déclare: «Dès les années 80, les automobilistes empruntant le pont ressentaient des creux et des bosses sur la voie, correspondant à ses défaillances. Des modifications de surface avaient été réalisées pour corriger ses défauts, mais aucun changement au niveau de la structure n’avait été opéré. Contacté par le quotidien online italien «Linkiesta» mardi à la suite du drame, Antonio Brencich, qui estime que ce viaduc aurait dû être remplacé, a réitéré ses critiques. «J’ai dit, et les faits me donnent malheureusement raison, que ce type de pont est mal conçu et mal calculé et présente des problèmes évidents de vulnérabilité. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est qu’il y a bien une raison.»

Les câbles coudés et cimentés peu convaincants


L'expert de l’EPFZ, Thomas Vogel, revient sur les particularités du pont Morandi de Gênes. Il est construit sur la base de câbles coudés et cimentés, explique-t-il. Ces câbles ne sont pas suspendus comme dans le cas des ponts à haubans, mais tendus en diagonale pour tenir la chaussée. Et ils ont été enrobés de ciments afin de les protéger de la corrosion. Une méthode très vite abandonnée car elle augmentait le poids et la rigidité du pont, souligne-t-il. En outre, de meilleures protections ont très vite été trouvées. Du coup, on peut supposer que l’accident est dû au fait que les câbles aient été déchirés ou corrodés. «C'est le point faible de ce genre de pont». Le mauvais temps qui régnait sur Gênes au moment du drame peut aussi être en cause : «si l'eau ne parvient pas à s'échapper en raison de drains obstrués, elle cause une surcharge sur le pont», avance-t-il. «Je ne pense pas que ce soit la seule cause de l'effondrement du pont Morandi, mais j'imagine qu'une surcharge de pluie a pu jouer un rôle».

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