22:32 PROJETS

Une surélévation contemporaine et aérienne

Après 20 mois de travaux et un investissement de près de 40 millions de francs, le Crowne Plaza Geneva affiche désormais deux étages supplémentaires de 64 chambres. Imaginée par le bureau carougeois CLM- ARCHITECTES, cette surélévation contemporaine présente une façade métallique avec de larges baies vitrées qui lui procure une image aérienne, en contraste avec le bâtiment existant en béton.

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Depuis la fin de l’année 2013, le Crowne Plaza Geneva affiche une nouvelle silhouette dans le ciel genevois. Sa structure originelle en béton, typique des années 1970, dialogue désormais avec une surélévation aérienne, tout en transparence. Situé à deux pas de l’aéroport, cet établissement quatre étoiles a été inauguré en 1977. A l’époque, il était connu en tant qu’hôtel Penta détenu alors par Swissair, puis a été repris par le groupe international, rebaptisé Ramada Park en 2002, puis finalement Crowne Plaza en 2011. Il s’agit de l’une des sept marques d’InterContinental Hotels Group, le plus grand groupe hôtelier du monde, détenant notamment l’InterContinental Hotels & Resort, Hotel Indigo et Holiday Inn. Le groupe Crowne Plaza compte 389 hôtels dans plus de 50 pays, totalisant plus de 100 000 chambres.
Afin d’augmenter le standing et la capacité d’accueil de l’hôtel, le maître d’ouvrage a souhaité rénover le Crowne Plaza, mais à la condition de pouvoir y ajouter deux étages. Une initiative qui a reçu l’appui de la commune de Meyrin et, grâce à l’absence d’opposition, le permis de construire en 2011 avec un budget de 40 millions de francs. But de l’opération: agrandir la structure grâce à deux nouveaux étages supérieurs vitrés de 60 chambres et suites «Club», offrant une vue imprenable sur Genève et des dimensions plus généreuses (35 m2 contre 18 m2 aux étages inférieurs), parmi lesquelles sept nouvelles suites de 50 m2. La plus grande, située au 8ème étage, totalise 100 m2 et comprend une terrasse privative. Le concept d’architecture intérieure est confié à la célèbre architecte taïwanaise Celia Chu. Cette dernière privilégie de grands espaces caractéristiques d’un esprit loft en vogue dans l’hôtellerie actuelle, baignant dans la lumière naturelle. Ainsi, la salle de bain s’ouvre ou se ferme, selon les besoins, par une large cloison coulissante sur l’espace nuit, ce qui permet de profiter de la vue depuis la pièce d’eau, notamment depuis les baignoires qui trônent dans les chambres les plus luxueuses. L’univers est apaisant, soigné et cosy. Il reflète la nature environnante au niveau des textures et matériaux.
En parallèle à l’extension de son hôtel, le maître d’ouvrage prévoit également de transformer les 306 chambres et suites déjà existantes, la réception, le lobby, le «Bar» et le restaurant. Egalement imaginé par l’architecte taïwanaise, le concept de décoration intérieure se veut contemporain, en phase avec les tendances en matière d’hôtellerie de luxe, tout en offrant une ambiance feutrée et décontractée. Le but étant de séduire avant tout la clientèle d’affaires, avec plus de 50 % des nuitées visées à terme. Grâce à ces différents travaux, la direction du troisième plus grand hôtel de suisse, classé 4 étoiles +, ambitionne d’atteindre un taux d’occupation de 70% à l’avenir. Le chiffre d’affaires, quant à lui, devrait progresser de 38% cette année et de 65% à plus long terme.

Garder l’hôtel en fonction
Démarré en avril 2012, le chantier a duré vingt mois. La conception et la réalisation de la surélévation a été assurée par l’architecte genevois Alain Carlier, du bureau CLM-ARCHITECTES, à Carouge. Le principal enjeu du chantier a été de parvenir à construire deux étages supplémentaires, parallèlement aux travaux de rénovation des étages inférieurs de l’établissement, sans pour autant que ce dernier ne cesse de fonctionner. Première contrainte imposée par l’ouverture constante de l’hôtel, la direction des travaux et le périmètre logistique du site ont été concentrés du côté nord du bâtiment, pour préserver la partie sud pourvue de l’accès principal. «Nous avons dû trouver des moyens ingénieux pour le stockage des matériaux, ainsi que leur accès aux étages, comme la pose d’une grue sur le toit à même d’assurer le montage des éléments et l’assemblage en hauteur», note Alain Carlier, architecte.
Les deux étages sont conçus sous la forme d’une structure d’acier et de verre jouant sur la transparence et créant des reflets de lumière en résonance avec les matériaux. «C’est la troisième surélévation que notre bureau réalise. Nous avons à chaque fois opté pour une structure métal, car c’est à notre sens la plus souple en matière de déformation et la plus légère au niveau des charges. Mais aussi parce que le but de l’intervention était de travailler avec un langage architectural moderne et aérien, afin d’offrir des solutions innovantes pour Genève et répondre aux besoins de la clientèle. Plutôt que de miser sur une forme de continuité avec le bâtiment existant, nous avons marqué le contraste avec le nouvel élan contemporain. Ainsi, tout le revêtement est en verre ou métal, consistant en des panneaux aluminium thermolaqués, traités gris métallisé, excepté la surélévation en béton des cages d’escaliers de secours à chaque extrémité de la barre. Pour marquer néanmoins cet ajout, nous avons peint le béton en gris anthracite au niveau des deux étages supplémentaires», développe longuement l’architecte.

Vertige sur la ville
Toujours au niveau du concept architectural, la nouvelle structure de l’étage 7 profite du contre-cœur de la terrasse de l’ancien toit. Les architectes ont pris le parti d’isoler à l’intérieur et de faire une tablette qui créait un élément négatif de raccord. Sur cette base, ils ont créé un léger porte-à-faux pour donner à la partie supérieure de l’hôtel un certain élancement et une plus grande envergure aux chambres du dernier étage. Les nouveaux locaux techniques sont concentrés au centre du huitième étage et donc invisibles depuis la rue. Les éléments surélevés en béton des escaliers de secours sont percés d’une large ouverture qui amène de la lumière naturelle et laisse entrevoir une vue donnant sur le Mont-Blanc depuis le couloir principal qui dessert les chambres. Les deux étages surélevés ne sont pas traités de manière identique. Le 7ème étage comprend des vitrages à mi-hauteur en raison des contrecoeurs. Cette partie s’insère de manière relativement discrète et fait donc office d’étage de liaison, de respiration, entre la structure existante de l’hôtel et son chapeau contemporain en verre. Le huitième étage profite donc de larges ouvertures dans chaque chambre, allant du sol au plafond. La structure des vitrages est réduite au minimum afin d’assurer un effet des plus vertigineux sur la ville.

Charpente métallique légère
En charge de définir la structure porteuse de l’immeuble, le bureau genevois B.Ott et C.Uldry Sàrl a misé sur une charpente métallique légère supportant une dalle mixte afin de limiter le poids de la structure et d’éviter un renforcement du système porteur et des fondations de cet immeuble de six étages sur rez-de-chaussée et deux sous-sol. «Le défi du projet résidait principalement dans la contrainte d’ajouter deux dalles mixtes de 12 cm d’épaisseur et une nouvelle superstructure au-dessus du bâtiment existant datant des années 1970. Après le contrôle de la capacité du système porteur de l’immeuble à supporter les charges supplémentaires, nous avons également dû vérifier la résistance au séisme selon les normes actuelles et renforcer certains éléments», relève Daniel Gygax, ingénieur civil et chef de projet pour le compte du bureau B. Ott et C. Uldry Sàrl. Le concept structurel proposé par les spécialistes consiste en des poutres transversales continues appuyées sur quatre poteaux. Le long du couloir central, l’appui est assuré par une poutre mixte longitudinale à travées irrégulières permettant le report des charges sur les murs des étages inférieurs, et ceci sur toute la longueur du bâtiment. Au centre, le noyau avec ses cages d’ascenseur et d’escaliers a été prolongé sur deux étages. «La problématique de ce chantier résidait dans la nécessité de conserver les installations techniques existantes jusqu’à ce que les nouvelles soient mises en service. Il a donc fallu conserver la structure de la partie centrale tandis qu’on réalisait les deux étages et la nouvelle superstructure. Dans le même sens, il fallait conserver les ascenseurs en fonction durant les travaux. Les cages des six ascenseurs ont donc été prolongées par groupe de deux en tenant compte des différentes étapes de construction», met en évidence l’ingénieur.

Répartir les charges sur les murs existants
La trame de la structure porteuse est différente entre les étages inférieurs et supérieurs. Alors que les poteaux de façade sont espacés de 3,20 m aux niveaux inférieurs, l’espacement est de 4,80 m aux étages supérieurs. Pour répartir les charges des niveaux supérieurs sur les murs existants, les ingénieurs ont imaginé un contre-coeur en béton sur la toiture reposant sur les murs porteurs inférieurs. Les poteaux intérieurs, quant à eux, sont alignés sur les murs existants à l’étage inférieur.
Le chantier a démarré par la pose de l’échafaudage puis la mise en place de la structure métallique au-dessus des services existants. «Tout le squelette a été monté et assemblé à l’air libre, afin de garder en fonction les machineries de ventilation sur la structure, tout en construisant en attique des nouveaux locaux techniques. Une fois qu’ils étaient prêts à fonctionner nous avons prolongé les gaines et mis hors services les anciennes installations», note l’architecte. Sitôt que ces dernières ont été démontées, les façades ont été réalisées. «Conçues par Sottas SA, elle sont composées de grands éléments de 4,80 de long sur 3 m de haut. Au niveau de la pose, il a fallu les glisser entre l’échafaudage et la structure qui avait d’ores et déjà été construite, dans un espace d’environ 50 cm de large et les fixer aux dalles», se souvient l’ingénieur. La grue positionnée sur le toit du bâtiment a été le principal outil de levage pour la surélévation ainsi que la rénovation des étages inférieurs. Ce chantier a également été conditionné par la contrainte des travaux réalisés en parallèle au sein de l’hôtel. «Nous avons dû céder tout le sud du bâtiment aux entreprises qui rénovaient les étages inférieurs, ce qui a nécessité pas mal de coordination. Surtout dans la première phase du chantier, sachant que les rénovations des chambres ont démarré au sixième étage, juste en-dessous de nous», relate Monique Pierrehumbert, architecte et directrice de chantier pour le compte du bureau CLM-ARCHITECTES. Au total, les différents travaux ont duré 20 mois, d’avril 2012 à décembre 2013. (Emilie Veillon)

Maître de l’ouvrage
Crowne Plaza
Architectes
CLM-ARCHITECTES

Ingénieur civil
Ott B. & Uldry C. Sàrl
Ingénieur CVCR
Moser Raymond E. SA
Etude acoustique
Architecture et Acoustique SA
Ingénieur électricien
DSSA Dumont-Schneider SA
Charpente métallique
Sottas SA
Expertise amiante
BIRD-RDS SA

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