14:16 TECHNIQUE

La Place de la Paix mise sur Minergie et la mixité sociale

Le chantier de la Place de la Paix a démarré l’année dernière. D’ici fin 2012 et avec un budget de 37,8 mio de francs, trois bâtiments asymétriques seront implantés autour d’un espace public central, créant 48 logements, un parking de 218 places et des surfaces commerciales. Le point sur le projet et ses particularités, notamment en termes de géotechnique et concept énergétique, avec les principaux intervenants.

Par Emilie Veillon
L’ancien site du parking de la Paix bordant la Baye de Montreux est en pleine mutation. Cette parcelle d’environ 2000 m2, qui a vu trois plans de quartier successifs dans les cinquante dernières années, a une situation assez complexe: elle était partie inachevée d’un premier bâtiment de qualité datant des années cinquante appartenant aux Retraites Populaires. Le nouveau propriétaire du site, la caisse fédérale de pension Publica, a lancé un concours en2006 visant à proposer un concept urbain de 48 logements en location, comprenant une vingtaine de subventionnés, un parking de 218 places, un centre commercial de 1300 m2, un café, une crèche et des plus petites surfaces commerciales. C’est le projet du bureau lausannois Luscher Architectes qui a scellé le destin de ce futur quartier. Estimé à 37,8 mio de francs, il sera achevé fin 2012.

Sur la trace des hameaux
Pour élaborer le concept urbain, les architectes se sont détachés du plan de quartier précédent et ont essayé d’ouvrir l’îlot aux parcours piétonniers, en élargissant notamment le chemin situé au bord de la Baye qui relie le lac au quartier des Planches. «Nous avons voulu transposer la structure des anciens hameaux caractéristiques du vieux Montreux, qui se déployaient du lac aux hauteurs, reliés par des chables. Pour cela, nous avons privilégié trois bâtiments de différentes implantations, traversés par des itinéraires de liaison par lesquels les habitants peuvent rejoindre les hauts de la ville ou les rives du lac», développe Mario Da Campo, chef de projet chez Luscher Architectes.
Lier deux zones historiques
Cette implantation permet également de lier deux zones historiques de développement urbain historique. A l’Ouest du site se côtoient les grands immeubles Belle Epoque de l’Avenue des Alpes. A l’Est, par contre, on observe les traces d’un passé industriel dans le quartier. Les architectes proposent de raccorder ces deux échelles, par graduations et par paliers, avec des immeubles de différentes hauteurs et un pavillon bas en bordure du site à l’Est. Le quartier est donc composé de trois bâtiments à l’allure contemporaine et aux formes asymétriques. L’enfouissement d’une grande partie du programme commercial permet de valoriser l’espace public extérieur. Etant donné que l’écart de hauteur est relativement important entre le haut et le bas du site, une plateforme intermédiaire et des escaliers font office de liaison. Cette sorte de place centrale acte en tant que centre névralgique des activités commerciales, publiques et résidentielles. Elle sera terminée par le pavillon à toiture plate, situé face au cours d’eau, qui accueillera un café-restaurant et une grande terrasse.
Le rendu du projet se fera en différentes étapes. Le parking et les surfaces commerciales seront accessibles aux utilisateurs fin août 2012. Les livraisons des trois bâtiments de logement sont planifiées entre fin janvier et mi-avril 2013. «Les travaux spéciaux et les enceintes de fouille ont été réalisés. Nous sommes actuellement au gros œuvre, au niveau -1 du parking. A la fin de l’année, nous aurons terminé la dalle de la place, sur laquelle s’élèveront les bâtiments dès le début de l’année prochaine», détaille Stéphane Michlig, co-directeur du bureau veveysan Quartal, en charge de la direction des travaux.
22 mètres excavés en bordure de parcelle
Les explications d’Alain Oulevey, directeur et chef de projet du bureau de géotechnique
De Cérenville à Ecublens.


Le défi principal du projet était de réaliser une fouille en milieu urbain atteignant localement près de 20 m de profondeur, avec des bâtiments, des voies de circulation et un cours d’eau à proximité immédiate de l’excavation. Une des zones de fouille s’est révélée particulièrement délicate en raison de la présence, en bordure d’excavation, de l’immeuble de 7 étages des Retraites Populaires (bâtiment RP). Les ouvrages projetés occupant la parcelle jusqu’à ses limites, nous devions réaliser une excavation à l’aplomb des murs et des fondations du bâtiment RP. Il fallait ainsi concevoir un soutènement de fouille suffisamment rigide et résistant pour reprendre avec de très faibles déformations la poussée des terres et les réactions d’appui du bâtiment RP. Mais, d’un autre côté, il fallait également que ce soutènement soit suffisamment étroit pour respecter le gabarit intérieur du nouveau bâtiment.
Pour atteindre ces objectifs contradictoires, nous avons opté pour un soutènement de fouille mixte comprenant, pour la reprise des réactions d’appui du bâtiment RP, un rideau de colonnes jetting obliques discontinu et couplé, pour la reprise de la poussée naturelle des terrains, à un soutènement vertical de type paroi berlinoise. Le développement et la mise en œuvre de cette variante n’ont été possibles que grâce à une étroite collaboration de notre bureau et de l’entreprise de travaux spéciaux. Pour réaliser cette paroi berlinoise sans réduire la surface utile du futur bâtiment, il fallait en effet exécuter, à l’aide d’une machine de pieux, des forages de gros diamètre à quelques centimètres du mur du bâtiment RP, y placer de manière asymétrique les profilés métalliques, puis bétonner leur fiche sans que les profilés ne reviennent en direction de la future fouille !
Pour le solde, nous avons réalisé un soutènement plus traditionnel en bordure de la limite parcellaire. Compte tenu de la nature des terrains en place (sols granulaires non saturés avec la présence possible de blocs et autres horizons cimentés), nous avions jugé la réalisation d’une paroi moulée trop aléatoire et prévu une paroi de pieux sécants. Convaincu de la faisabilité technique de cette variante, le consortium d’entreprises adjudicataire a toutefois proposé et pris le risque de débuter l’exécution d’une variante en paroi moulée, a priori légèrement plus économique. Malheureusement, nos craintes se sont révélées exactes en phase de chantier et cette variante a du être abandonnée pour revenir à la solution de base.
Côté Est, la présence de la rivière derrière l’enceinte de fouille était plus spectaculaire que problématique, dans le sens où la Baye semblait suspendue au-dessus de la fouille, prête à inonder le chantier en cas de crue ! Nous avions toutefois étudié cette situation de risque en collaboration avec le canton et pris les dispositions structurelles nécessaires à assurer la sécurité et l’aptitude au service de l’enceinte de fouille pendant les travaux.
La très forte porosité des terrains a encore posé quelques problèmes lors de la réalisation des ancrages mais, une fois l’enceinte de fouille terminée, le plus dur était passé et l’excavation s’est bien déroulée. Si quelques vestiges d’anciens bâtiments occupant la parcelle ont été retrouvés lors de la creuse, nous n’avons pas rencontré de pollution chimique. Et grâce à un dispositif de surveillance comprenant le suivi des déformations de l’enceinte de fouille et de ses abords, de la tension des ancrages et des vibrations induites en périphérie du chantier, nous avons pu vérifier que les seuils de déformations admissibles retenus, de l’ordre du centimètre au maximum, étaient respectés et que l’intégrité des bâtiments voisins n’était pas menacée.
Au final, et malgré des conditions d’exécution parfois difficile, l’engagement commun et constant des ouvriers, des techniciens d’entreprises et des mandataires, ainsi qu’une étroite et fructueuse collaboration, ont permis de mener à bien ce magnifique et spectaculaire projet.
Un concept énergétique élégant
et rationnel

Les explications de Charly Cornu, ingénieur en énergie chez BG Ingénieurs Conseils à Lausanne.

Le maître d’ouvrage souhaitait ériger des bâtiments Minergie. Nous avons donc élaboré un concept énergétique en conséquence pour limiter d’abord les besoins d’énergie du bâtiment. Le site se trouve sur un cône d’alluvion de la Baye de Montreux et je savais par un projet voisin que ce dernier forme des graviers aquifères. L’eau est une ressource intéressante tant pour chauffer que pour refroidir. Nous avons fait des essais de pompage pendant quelque deux mois pour nous assurer de la disponibilité d’eau en quantité et en qualité suffisantes. Ils ont révélé que le niveau de la nappe phréatique suit les variations naturelles et que l’eau n’est ni agressive, ni colmatante. Tous les tests sont passés. Par ailleurs, le Service des Eaux nous a proposé de rejeter l’eau dans la Baye plutôt que de la réinjecter dans un autre puits, considérant que la Baye est pratiquement bétonnée du site jusqu’au lac.
Ce potentiel à disposition nous a fait opté pour deux pompes à chaleur, plutôt que pour des chaudières à gaz. La pompe à chaleur consomme une unité d’électricité et prélève 3 unités de chaleur froide dans l’eau souterraine pour produire 4 unités de chaleur tiède qui alimente le chauffage par planchers chauffants. La basse température du chauffage, 30 degrés les jours les plus froids, assure une meilleure efficacité de la pompe à chaleur. Il fallait également évacuer la chaleur rejetée par la production de froid commercial qui alimente les présentoirs frigorifiques du futur supermarché. Etant donné que COOP utilise comme fluide frigorifique du gaz carbonique et non des fluides classiques qui ont des gros impacts sur la couche d’ozone, nous avons poussé le concept énergétique en proposant que les rejets de chaleur de cette production de froid soient utilisés pour la production d’eau chaude et pour le chauffage du centre commercial et des logements. Cet équipement-là a également l’avantage de répondre à la directive cantonale de valorisation des rejets thermiques. La chaleur non utilisée sera ainsi évacuée en pompant de l’eau dans la nappe phréatique et cette eau sera rejetée dans la Baye de Montreux. Le système que nous avons mis en place est donc bien équilibré. Les solutions techniques élaborées sont élégantes et rationnelles. Elles vont dans le sens d’une utilisation optimale des ressources disponibles sur le site et des rejets thermiques produits par la grande surface commerciale.
Pourquoi ne pas avoir opté pour des panneaux thermiques sur les toitures plates des trois bâtiments ? Le canton voulait absolument des panneaux thermiques pour répondre à une forme d’exigence légale. Nous avons mis en évidence le fait que la majeure partie de ce qui aurait été capté par les panneaux aurait été rejeté dans la Baye. Les captages solaires auraient donc été en concurrence directe avec la valorisation des rejets thermiques.

• Maître de l’ouvrage

PUBLICA Caisse de pension

de de la Confédération

• Pilotage MO

Interplan Projekt GmbH

6003 Lucerne

Architecte

Luscher Architectes SA

1006 Lausanne

Direction des travaux

Quartal Sàrl

1800 Vevey 1

Géotechnicien

De Cerenville Géotechnique SA

1024 Ecublens

Ingénieurs civil

Marchand + Partner AG

3006 Bern

Energie Minergie CVSE MCR

Bonnard & Gardel (BG)

1007 Lausanne

Géomètre

B+C ingénieurs SA

1820 Montreux

Ingénieur mobilité

RGR Ingénieurs Conseils

1003 Lausanne

Ingénieurs acousticiens

Ecoacoustique

1004 Lausanne

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