Voyagez dans le temps pour découvrir Lausanne au XIXe siècle
L’Unité Time Machine de l’EPFL utilise le patrimoine
culturel et l’intelligence artificielle pour rendre accessibles au public les
données historiques de différentes villes, telles que Venise et Lausanne. L'intelligence artificielle ouvre de fantastiques perspectives.
Grâce à l’intelligence artificielle, la cartographie manuelle a laissé place à une extraction automatisée de données, utilisée à l’EPFL pour étudier l’histoire comme dans le projet Lausanne 1831. (Vimeo.com).
Par où commencer pour
recréer le passé à l’aide des outils numériques d’aujourd’hui? Cette question
est à l’origine de la création de l’Unité Time Machine du Collège des humanités
de l’EPFL, qui gère les projets Time Machine Venise et Lausanne. Depuis plus de
cinq ans, elle développe des outils et des méthodes qui rendent le voyage dans
le temps aussi accessible que dans l’espace, en intégrant de nombreux types de
données pour recréer un contexte global et reconstruire des villes, telles que
Lausanne, à l’aide de modèles 3D du passé, de cartes historiques, de
photographies et de gravures, de déclarations fiscales, de recensements,
d’annuaires et de données socio-économiques, énergétiques et écologiques.
L’idée phare de Time
Machine, qui fait partie du projet européen Time Machine, est que les données
donnent l’accès à des informations passées et fournissent des indications sur
les projections pour l’avenir.
«Ma mission
professionnelle consiste à démocratiser l’accès aux données historiques,
explique Isabella Di Lenardo, coordinatrice de l’Unité Time Machine. Chaque
nouvelle technologie transforme la manière dont nous partageons les
informations sur le passé: manuscrits sur parchemin, livres imprimés, pages web
et maintenant l’IA. Comment convertir les informations provenant de supports
anciens, d’archives, de livres et de documents papier et les rendre disponibles
dans de nouvelles interfaces ? Nous essayons essentiellement de traduire des
informations historiques qui sont assez inaccessibles au grand public et
d’utiliser les technologies les plus avancées actuelles pour les indexer et les
rendre consultables afin que la plupart des gens — et des machines — puissent y
accéder.»
Nouvelles méthodes
d’exploration
Pour ce faire, l’Unité Time Machine a développé des méthodes, des canaux de
traitement et une plateforme dédiée qui accélèrent ce processus d’extraction et
de repositionnement, offrant ainsi une manière nouvelle d’explorer les
informations historiques. Grâce aux progrès récents des grands modèles de
langage, de nombreuses tâches très complexes il y a encore 10 ans peuvent
désormais être en grande partie automatisées. Il est aujourd’hui possible non
seulement de lire des textes manuscrits dans des documents administratifs,
d’extraire des noms de lieux à partir de cartes et de récupérer des géométries
à partir de registres cadastraux du XIXe siècle, mais aussi de repositionner
automatiquement des scènes représentées dans des gravures, des peintures et des
cartes anciennes.

Crédit image: 2025 EPFL - CC-BY-SA 4.0
Ces contributions s’inscrivent dans Lausanne 4D, où le passé cartographique prend vie grâce aux données numériques et à la reconstitution en trois dimensions du territoire.
«Avant l’arrivée de
l’apprentissage machine dans la cartographie, tout le travail de conversion
d’une carte analogique était effectué manuellement. Quelqu’un utilisait un
logiciel pour redessiner à la main, par exemple, le réseau routier, les
bâtiments, tout», détaille Isabella Di Lenardo.
«Aujourd’hui, nous
pouvons extraire ces données à très grande échelle et de manière entièrement
automatique. Mais ce n’est pas simple. Nous devons utiliser des algorithmes
suffisamment génériques pour comprendre tous les types de cartes. Trouver une
combinaison intéressante entre la vérification humaine et la validation
automatique est un long processus de perfectionnement. Il s’agit d’un circuit
dans lequel l’humain et la machine travaillent en synergie. Nous créons des
roues à données. Par exemple, plus nous traitons de cartes anciennes, mieux
nous traitons les suivantes. La machine réapprend en permanence comment
extraire davantage de données et les utilise pour améliorer son apprentissage.
Les ensembles de données dont nous disposons aujourd’hui à l’EPFL sont si
puissants que nous sommes capables de traiter des milliers de cartes et d’en
extraire automatiquement la plupart des informations qu’elles contiennent.»
Programmes éducatifs
A partir de ces données, l’Unité Time Machine propose des programmes éducatifs,
des cours, des ateliers pratiques et des séminaires. Les cours proposés à
l’EPFL, tant au niveau du Bachelor que du Master, permettent aux étudiants d’utiliser les données exhaustives sur Lausanne pour travailler sur
des projets répondant à des questions telles que: comment l’emploi et les
migrations ont-ils évolué au fil des ans? Comment l’urbanisation de Lausanne au
XIXe siècle a-t-elle transformé le paysage viticole au sud de la ville? Quelle
a été l’évolution du paysage politique suisse entre 1890 et 1980? Et bien
d’autres encore.
«Leur contribution est fondamentale tant en termes de production et d’affinement des données qu’en termes de recherche, précise la responsable. J’ai découvert que les étudiants veulent vraiment s’impliquer dans ce travail pratique qui consiste à densifier les informations sur le passé. C’est comme si nous leur offrions un moyen d’avoir un impact en utilisant leurs extraordinaires compétences en ingénierie et en histoire pour transformer la façon dont les données historiques seront appréhendées.
Lausanne en 1831 dans un livre et en ligne
Disponible cet été, le livre Lausanne 1831 constitue une des innombrables sources relatives à la ville de Lausanne, à savoir le cadastre parcellaire de 1831. La publication contient une analyse morphologique et socio-économique de Lausanne et de son environnement administratif, de la campagne et des forêts avant l'arrivée des grandes transformations urbaines. Toutes les données transcrites et analysées par des méthodes informatiques sont publiées dans le texte et sur la page web de l'Unité Time Machine, qui permet à tout un chacun d'y accéder et de produire de nouvelles connaissances et interprétations.
Sa taille seule, plus de 400 pages et plus de 30'000 enregistrements transcrits, donne une idée du volume d'informations nécessaire pour étudier de manière exhaustive les informations historiques d'une source. Le livre explique comment l'approche numérique modifie l'échelle de compréhension des phénomènes, les méthodes, les questions historiques qui peuvent être posées aux sources historiques, et même les résultats de l'analyse. (Stephanie Parker).