« L’intelligence artificielle est appelée à un grand succès »

Écrit par: Jean-A Luque
Teaserbild-Quelle: BIM DAY GVA - E.M_break

Le futur de la construction, c’est déjà aujourd’hui et il porte un nom : BIM, Building Information Modeling. Lors du récent BIM Day GVA, le rendez-vous incontournable des professionnels du bâtiment et des infrastructures, il a été beaucoup question d’innovation, de gestion d’actifs, de jumeau numérique, de construction hors site et... d’intelligence artificielle. Rencontre avec la fondatrice du salon Audrey Meynlé.

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Crédit image: BIM DAY GVA - E.M_break

Maîtresse de cérémonie, Audrey Meynlé est l’âme du BIM Day GVA. Son réseau professionnel et ses compétences lui permettent d’attirer chaque année des interlocuteurs renommés pour traiter de thèmes d’actualité.

Il y a encore une dizaine d’années, le BIM, Building Information Modeling, semblait tout droit sorti d’un film ou livre de science-fiction. L’acronyme accrocheur faisait un peu peur. Architectes et ingénieurs suisses s’interrogeaient. Le BIM est-il vraiment utile ?

Aujourd’hui, le doute n’est plus permis. Le BIM est omniprésent. Ce qui n’empêche pas les professionnels du bâtiment et des infrastructures, et aussi de plus en plus souvent les maîtres d’ouvrage, de se poser nombre de questions. Non plus métaphysiques ou émotionnelles, mais bien plus pragmatiques et concrètes.

Pour faire le point sur le BIM aujourd’hui, ses avancées, son développement, son futur, un rendez-vous incontournable : le BIM Day GVA. La manifestation en est déjà à sa troisième édition et a connu un succès fulgurant. En 2020 et 2022, la qualité des intervenants et des conférences a été relevée par tous les participants. La passion et le sérieux d’Audrey Meynlé, l’initiatrice du salon, a fait le reste.

Cette Française exilée à Genève est une hyperdouée. Elle collectionne les formations : diplômée en économie de la construction, en coordination BIM et titulaire d’un Master en management de projets de construction option BIM et maquette numérique, spécialisée en BIM exploitation, maintenance et jumeau numérique… N’en jetez plus !

Mais la jeune quadragénaire est aussi une hyperactive. A côté de son travail de BIM manager à la direction numérique & BIM chez BG Ingénieurs Conseils, elle donne des cours à l’IFAGE (Fondation pour la formation d’adultes) et a en plus imaginé et organisé le BIM Day GVA. Rencontre.

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Crédit image: BIM DAY GVA - E.M_break

En 2022, Emmanuel Di Giacomo d’Autodesk est venu présenter le projet de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris et sa maquette BIM pré-incendie enrichie de nombreux scans en 3D.

Avec toutes ces activités professionnelles chronophages, vous avez encore trouvé le temps de créer un salon. C’est une idée à vous ?

Oui. C’est venu comme une évidence. Chaque année, j’étais présente à Paris pour le BIM World. Et bien sûr chaque année j’y rencontrais tous les Genevois qui avaient fait le déplacement. Je me suis dit que c’était dommage de ne pas avoir notre propre rendez-vous à Genève. C’est parti comme ça… en équipe réduite avec mon frère Maxime qui s’occupe du marketing et de la communication et un ami, Abderrahim, en charge de la partie administrative, financière et logistique. On a commencé tout petit la première fois en 2020. Et puis on s’est professionnalisé, on s’est agrandi. Après l’Hôtel Ramada pour le premier salon, nous avons investi Palexpo.

Pas facile les débuts, j’imagine ?

C’était un vrai challenge de créer ce BIM Day GVA. De formation, je n’ai rien à voir avec l’événementiel, nous avons donc misé sur les compétences BIM. On y est allé à l’enthousiasme et la passion. Pour la première édition, nous avions pu rassembler une vingtaine d’exposants, mais il avait fallu aller les chercher et les convaincre. Et ça a séduit. L’année dernière a confirmé le bon positionnement de notre rendez-vous. La formule exposition et conférences a fait ses preuves. On sent qu’il y a un réel engouement de la part des professionnels du secteur.

Avec le Covid qui a brouillé les cartes, les incertitudes économiques, et je ne parle pas de votre emploi du temps, vous n’avez pas l’impression que c’est un peu fou d’avoir lancé ce salon ?

Notre chance, c’est que nous étions inconscients. Ni moi ni mon équipe n’avions mesuré le travail que cela représente. Nous l’avons découvert au fur et à mesure. Ce n’est pas un domaine d’activité évident, cela représente beaucoup de stress et le Covid nous a empêchés de faire une édition en 2021.

Nous ne sommes pas subventionnés, c’est notre passion, nos deniers avec les risques que cela comporte. Mais que c’est une belle aventure ! Nous faisons de belles rencontres professionnelles, mais surtout humaines. Et nos visiteurs sont très qualitatifs.

Et quels ont été les thèmes abordés lors de ce millésime 2023 ?

Cette année, il a été beaucoup question de jumeau numérique et de gestion  de patrimoine, mais aussi de l’essor de l’intelligence artificielle qui, en complément du BIM, est appelée à un grand succès.

Il y a déjà une journée-événement BIM organisée par Bâtir Digital Suisse chaque automne à l’EPFL. Qu’est-ce qui vous distingue ?

Je crois qu’avec Bâtir Digital Suisse, nous proposons deux rendez-vous différents et complémentaires. Il y a déjà le positionnement géographique. Même si la Suisse romande est relativement petite, nous sommes au bout du lac et drainons plus de visiteurs genevois qui ne font pas forcément le déplacement jusqu’à Lausanne et inversement.

Sinon, nous avons une importante partie exposition où nous voulons que nos visiteurs puissent découvrir les différentes solutions BIM du marché (logiciels, prestataires, formations, start-ups). Bâtir Digital suisse, pour sa part, produit des documents et sa journée sert principalement à présenter ses users cases lors de conférences.

Nous traitons également de thèmes et de projets différents. L’automne dernier, ils étaient axés sur le BIM en exécution. De notre côté, cette année nous traitons de construction hors site, d’intelligence artificielle, de jumeau numérique et de gestion de patrimoine. Nos conférences sont axées sur les thèmes d’actualité du BIM et les sujets d’avenir. Nous avons chaque année des retours d’expériences sur des projets locaux comme le projet Tribag de l’Aéroport de Genève et le projet Campus Pictet de Rochemont.

Et cette année?

Rodrigo Morales, intégrateur BIM au CERN, nous a présenté ce qui se passe à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire en termes de BIM. Leurs projets très industriels et exigeants demandent entre autres d’assurer une interopérabilité entre les logiciels mécaniques et les logiciels BIM.

Un autre rendez-vous a été la conférence sur la construction du M3 et la transformation du M2, le réseau de métro automatique de Lausanne. Sur ce projet en open BIM, une dizaine de logiciels de modélisation différents cohabitent, les maquettes s’assemblent parfaitement et la collaboration fonctionne très bien.

Juste avant, vous évoquiez aussi l’intelligence artificielle (AI).

C’est passionnant. Eric Jouseau, docteur en intelligence artificielle, expert industriel et technique, nous évoque le rôle de l’AI pour la gestion des bâtiments. Aujourd’hui nous construisons des bâtiments dont la gestion est complexe et avec de multiples contraintes, qu’elles soient techniques, financières ou liées aux consommations d’énergies. L’intelligence artificielle apporte de réels gains pour la gestion, l’exploitation et la maintenance de bâtiments ou de patrimoines immobiliers. Elle est capable de faire des choix prenant en compte tout le contexte pour utiliser un maximum les énergies renouvelables, optimiser les consommations d’énergies, détecter les anomalies au plus tôt et adapter le confort du bâtiment au comportement des utilisateurs. 

Quels sont les événements de votre jeune salon dont vous êtes la plus fière ?

Je dirai tout d’abord d’avoir eu des conférenciers de renom comme Emmanuel Di Giacomo d’Autodesk et Nassim Saoud de Trimble par exemple qui représentent de belles réussites et une jolie preuve de reconnaissance.

Et puis, impossible d’oublier la prestation de Nawar Zreik l’année dernière qui a retracé les étapes de la transformation digitale au sein de Walt Disney Imagineering et a évoqué la transformation de l’attraction Rock’n’Roller Coaster en QG des Avengers. Un retour d’expérience projet incroyable et très insolite.

Et enfin la présence d’une grande partie des maîtres d’ouvrage et des entreprises de l’écosystème genevois en tant que visiteurs. Nous avons des retours très positifs après chaque édition du salon ce qui nous encourage à continuer.

Avec vos multiples casquettes, vous avez une position privilégiée pour analyser le BIM en Suisse. Alors comment se situe-t-elle en comparaison internationale ?

La Suisse est partie avec un peu de retard par rapport à d’autres pays d’Europe. Mais aujourd’hui, je pense que la situation est largement rééquilibrée. En Suisse, les éléments de la construction sont normalisés et nous possédons des classifications (CFC, CAN, ecccBAT…) ce qui est un avantage pour structurer et exploiter pleinement les données des maquettes BIM.

L’EPFL et l’EPFZ réalisent de très beaux projets de recherche. Et ce que fait l’Etat de Genève au niveau du SITG (Système d'Information du Territoire à Genève) est remarquable. Peu de pays peuvent se targuer d’être à ce niveau.

Entreprises générales, ingénieurs et architectes semblent donc à niveau. Peut-on en dire autant des maîtres d’ouvrage ?

C’est une des principales évolutions de ces deux dernières années. Les maîtres d’ouvrage définissent de plus en plus leurs exigences en termes d’usages et de besoins d’informations pour leurs projets. Il y a quelques années leurs demandes étaient très vagues, aujourd’hui, ils savent ce qu’ils veulent et ont des exigences pointues.

Le BIM Day GVA réunit beaucoup de maîtres d’ouvrage ce qui montre qu’ils s’intéressent davantage à ce sujet et qu’ils ont conscience de l’intérêt que cela représente pour eux autant dans la conception, l’exécution que dans l’exploitation de leurs bâtiments.

Et demain, le BIM ça sera quoi ?

L’utilisation de la méthode BIM pour la conception et l’exécution d’un projet, aujourd’hui c’est devenu courant. Mais ces phases représentent à peine 20 % du cycle de vie d’un bâtiment.

C’est maintenant sur les 80 % restant c’est-à-dire les phases d’exploitation et de maintenance que l’on doit développer l’utilisation du jumeau numérique et de technologies comme l’AI pour obtenir des retours sur investissements beaucoup plus conséquents.

L’évolution des technologies offre également de nouvelles perspectives : la robotisation, l’impression 3D, le développement de l’AI dans notre secteur, la réalité augmentée, virtuelle et mixte…

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