11:23 TECHNIQUE

Cellules et modules solaires maison pour contrer la Chine

Écrit par: Philippe Chopard
Teaserbild-Quelle: Philippe Chopard

Le bâtiment est en première ligne du développement du photovoltaïque en Suisse. Le Centre suisse d’études en microtechnique de Neuchâtel veut ainsi séduire les architectes et ingénieurs pour rendre plus naturelle la pose de panneaux solaires dans le secteur de la construction. Les techniques évoluent très vite et la recherche se profile de mieux en mieux dans l’industrie.


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Crédit image: Philippe Chopard

Cette petite station expérimentale créée à côté de la raffinerie de Cressier (NE) permet aux experts du Csem de tester plusieurs types de panneaux.

Toutes les solutions propres à augmenter la part du photovoltaïque en Suisse existent et ne demandent qu’à être appliquées. Face au déferlement de produits chinois, le savoir-faire helvétique ne peut compter que sur l’innovation. Fort heureusement, le Centre suisse d’études en microtechnique (Csem) et ses différents laboratoires se profilent, avec l’intensité de leurs recherches et leurs propositions de débouchés économiques. Actif depuis 2013, son Solar Lab veut continuer d’être à la pointe tout en nouant de nombreux partenariats avec les entreprises actives dans le solaire.

« Les architectes ne doivent plus se poser de questions, lance le professeur Christophe Ballif, chef du laboratoire solaire (Solar Lab) du Csem. Le photovoltaïque est incontournable. » La preuve : les recherches menées sur plusieurs sites neuchâtelois s’accompagnent d’une capacité de production de panneaux photovoltaïques pour différents types de bâtiments, voire pour d’autres débouchés industriels, comme l’équipement de satellites. Les valeurs de qualité et de fiabilité sont assorties d’améliorations incessantes du rendement des cellules et d’autres modules. L’évolution de la science va cependant encore trop vite pour certains types de projets de production solaire, et cela impose un accompagnement entre chercheurs et développeurs.

Les améliorations se succèdent à toute allure
Le Csem a ainsi développé un partenariat avec le pétrolier Varo Energy Group et le Groupe E pour créer et exploiter un vaste champ solaire à Cressier (NE), à côté de la raffinerie de pétrole. Avec, dans le deal conclu, une petite partie des installations réservée pour tester de nouvelles techniques et de nouveaux modèles photovoltaïques. Ouvert en 2023, le parc solaire avait été aménagé avec des panneaux PERC (Passivated Emitter and Rear Cell), technologie aujourd’hui dépassée. Place désormais au procédé TOPCon ou aux panneaux verticaux qu’il accueille à titre expérimental et contribuent à le garder à la pointe de l’innovation. Le partenariat entre recherche et industrie fonctionne ainsi à plein régime, malgré les difficultés d’approvisionnement en matière première signalées depuis quelques mois. Mais tout va très vite, même sur le plan scientifique. Outre la création de cellules solaires à contact arrière, le Csem passe progressivement aux modèles à pérovskite pour augmenter le rendement de la production photovoltaïque. Avec un objectif à terme de 33 %. Un progrès énorme, soulignent les chercheurs des différents laboratoires établis à Hauterive (NE).

Le contrôle de qualité, les tests de fiabilité, les investigations pour augmenter la performance se trouvent tous sous le même toit. Ce qui permet de produire des panneaux solaires de dernière génération. Le Csem et la quarantaine de sociétés associées au Solar Lab jouent ainsi un rôle actif. Ils cherchent à le renforcer par la conclusion de partenariats avec diverses autres entreprises. D’où une matinée d’échanges et de visites organisée récemment.


Une autre unité du Solar Lab s’emploie à appliquer les techniques photovoltaïques aux bâtiments anciens, en liaison avec les exigences des défenseurs du patrimoine bâti. Ainsi le collège des Parcs de Neuchâtel a-t-il pu profiter de tuiles solaires qui n’en dénaturent pas l’enveloppe, grâce à la société vaudoise Free Suns. Ses produits font merveille, en assurant une partie de l’autonomie énergétique de cet édifice construit il y a un siècle, et qui termine une rénovation et une transformation de grande envergure. Sur près de 2000 m², la toiture présente une installation Solaris™ Premium Black d’une puissance de 192 KWc. Par ailleurs, une station de tests, installée sur le toit du bâtiment de Microcity, toujours à Neuchâtel, permet d’avancer sur ce chemin de rénovation et de modernisation de bâtiments patrimoniaux. Les recherches s’orientent aussi vers la couleur en toiture, comme à La Chaux-de-Fonds qui a flanqué le faîte d’un nouveau parking d’une image géante du Corbusier sur une couverture solaire. La société vaudoise Sunways est aussi active sur le réseau de voie ferrée à Buttes (NE), par une expérience pilote de trois ans de pose de panneaux sur les rails pour éviter de trop grosses emprises au sol.

Remplacer l’argent par le cuivre
Les chercheurs du Csem font aussi feu de tout bois dans le choix des matériaux, l’amélioration de la performance ou le développement de nouvelles techniques. La pose de solaire en façade est tout particulièrement étudiée. « Un bon panneau solaire remplace avantageusement un vitrage plus lourd », souligne Bénédicte Bonnet Eymard, cheffe du groupe modules solaires du Csem. Le remplacement de métaux trop rares et trop coûteux, comme l’argent contenu dans les cellules, est aussi au centre des recherches. Le Csem a ainsi sorti des modèles moins chers employant le cuivre et met au point des cellules et des modules de tailles très variées.

Tout cela est-il utile pour contrer le déferlement du solaire chinois ? Christophe Ballif en est convaincu. Des tests menés sur des modèles produits en Chine ont mis à jour des failles de qualité par rapport aux normes suisses de certification. La Suisse veut produire des panneaux susceptibles de durer 20 à 25 ans sur ses bâtiments. Faute de moyens suffisants pour les assurer lui-même, le Csem contribue aussi à obtenir les certifications nécessaires.

Christophe Ballif nuance les répercussions de la menace chinoise en matière de développement énergétique. En effet, elle participe activement à la lutte contre le réchauffement climatique. Ses efforts en faveur de l’électromobilité ont même permis de réduire pour la première fois en 2024 les émissions de dioxyde de carbone à l’échelle planétaire.

La concurrence mondiale, notamment avec les Etats-Unis, est aussi une bonne nouvelle pour la transition énergétique, estime le professeur et directeur du Solar Lab. Cela pour autant que les efforts européens portent sur la protection des marchés et sur le développement de produits de niche. La politique agressive du président américain Donald Trump conduit aussi l’Europe à se consacrer davantage sur la recherche et l’innovation. Toujours est-il que la Suisse, malgré ses atouts, accuse du retard. C’est précisément ce que le Csem veut aider à rattraper. En développant de nouvelles cellules et de nouveaux modules solaires en particulier.


Trois questions à Christophe Ballif, directeur du Solar Lab

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Quelle: Philippe Chopard

Le professeur regrette le retard pris par l’industrie énergétique sur les résultats des recherches les plus pointues sur le rendement des panneaux.

Le monde de la recherche a-t-il quelque peine à trouver des partenariats industriels ?
Cela conduit le Csem à rechercher aussi la production en plus de se cantonner à l’invention. Mais je suis quelque peu déçu de constater que plusieurs acteurs énergétiques, en Suisse romande en particulier, se montrent frileux face à nos résultats et notre évolution. Ils ont finalement des années de retard sur notre musique.

La question des coûts est-elle déterminante ?
Elle ne devrait plus l’être. Les prix du solaire se sont effondrés et nous produisons ici des modèles avec un excellent rapport qualité prix. En plus, le Csem n’oppose pas les différentes formes de développement du photovoltaïque en Suisse. Tout est bon à prendre, la centrale solaire d’altitude comme les panneaux destinés aux bâtiments privés. Il n’y a aucune distinction dans les travaux que nous menons.

Comment protéger le marché du solaire ?
Tout d’abord en faisant confiance aux ressources locales. Ensuite en nouant des partenariats. Le Csem et l’EPFL sont des pépinières de talents, et bon nombre de projets en cours sont développés par des personnes qui sont passées dans nos laboratoires ou qui y sont reliés par les sociétés où elles travaillent. Nous pouvons invoquer 40 ans d’expérience dans ce domaine.


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