La politique douanière américaine freine la croissance suisse
Le KOF maintient sa prévision de croissance du PIB à 1,4
% pour cette année, hors grands événements sportifs. En 2026, la croissance
devrait ralentir à 0,9 %, notamment en raison des droits de douane imposés par
les Etats-Unis et d’une incertitude économique persistante.

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Le KOF prévoit un net ralentissement de l’économie suisse, freiné par les droits de douane américains et l’incertitude globale.
Les turbulences
commerciales marquent actuellement le paysage économique. L'augmentation des
droits de douane sur les exportations suisses vers les Etats-Unis se traduit
par une détérioration notable des conditions de concurrence, notamment par
rapport aux exportations de l'UE qui bénéficient de taux douaniers plus bas, et
par une incertitude économique toujours élevée. Si le secteur pharmaceutique
joue encore actuellement un rôle stabilisateur, il existe toutefois des risques
de ralentissement qui pourraient réduire sa contribution positive à moyen
terme.
Les prévisions du KOF
reposent sur l'hypothèse que certaines exportations suisses vers les Etats-Unis
resteront soumises à un droit d'importation de 39 %, tandis que les
marchandises en provenance de l'UE seront soumises à des droits de douane US à
hauteur de 15 %. En outre, les droits de douane forfaitaires de 50 % sur les
produits en acier, en aluminium et en cuivre, introduits par les Etats-Unis à
l'échelle mondiale, seront maintenus. Dans ses prévisions, le KOF suppose
également que l'industrie pharmaceutique devra baisser ses prix de 10 % aux
Etats-Unis. Le KOF part néanmoins du principe, dans ses prévisions, que les
exportations de ce secteur vers les Etats-Unis resteront exemptes de droits de
douane.
Révision à la baisse
significative des prévisions du PIB
Pour cette année, le KOF table dans son scénario de base, comme dans ses
prévisions estivales, sur une croissance du PIB de 1,4 % (1 % non corrigé) sans
les grands événements sportifs internationaux. Si le premier semestre s'est
mieux déroulé que ce qui avait été prévu en juin, le second semestre sera
nettement plus faible qu’attendu. Pour l'année prochaine, les prévisions de
croissance du PIB corrigées des événements sportifs ont été revues à la baisse
de 0,6 point de pourcentage, à 0,9 % (1,3 % non corrigé), tandis que pour 2027,
la croissance du PIB devrait atteindre 1,6 % (1,2 % non corrigé).
En complément à ses
prévisions de base, le KOF a calculé un scénario positif dans lequel les mêmes
taux douaniers que ceux applicables à l'UE, s'appliqueraient également à la
Suisse à partir d'octobre. Dans ce scénario, la charge pour l'industrie
orientée vers l'exportation et l'incertitude supposée sont nettement moins
importantes, de sorte que les effets négatifs sur l'économie dans son ensemble
seraient sensiblement atténués, avec une croissance du PIB de 1,5 % cette
année, 1,2 % l'année prochaine et 1,8 % l'année suivante.
Le commerce extérieur
sous pression
Si les perspectives du commerce extérieur s'assombrissent en raison de la
politique commerciale américaine et devraient également affaiblir la dynamique
à moyen terme, l'évolution a jusqu'à présent été marquée par des commandes
anticipées visant à éviter les droits de douane. Le recul des exportations
devrait désormais être important au second semestre. Compte tenu des résultats
du premier semestre, les exportations augmenteront néanmoins de 2,8 % cette
année et les importations de 3,3 %. Outre les effets de la politique douanière,
les exportations de marchandises hors produits pharmaceutiques affichent une
tendance à la baisse en raison d'un affaiblissement de la demande mondiale qui
devrait se poursuivre et s'accentuer en raison des droits de douane. Au cours
des deux prochaines années, les taux de croissance seront plus faibles, avec
des hausses de 2,1 % en 2026 et de 2,5 % en 2027.
Le marché du travail
suisse se refroidit sensiblement
Après des années de croissance de l'emploi, le marché du travail suisse
traverse une phase de ralentissement. Dans son scénario de base pour 2025, le
KOF table sur une croissance de l'emploi de seulement 0,3 % (prévisions d'été :
0,6 %). Il s'agit de la croissance la plus faible depuis 2020. Au cours de l'année
2026, la croissance de l'emploi en équivalents plein temps devrait certes
s'accélérer, mais avec 0,5 %, elle restera inférieure à la moyenne par rapport
à l'année précédente. Le taux de chômage devrait atteindre 3,2 % d'ici 2026
selon le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) et 5 % selon l'Organisation
internationale du travail (OIT). Il devrait également rester à un niveau élevé
en 2027. La croissance des salaires restera modérée en raison du ralentissement
du marché du travail, mais les salaires réels augmenteront légèrement dans
l'ensemble en raison de la faible inflation. Dans le scénario positif, le
marché du travail connaîtrait également une meilleure évolution et le taux de chômage
devrait passer à 3,1 %.
La conjoncture
intérieure perd de son élan
L'incertitude liée au choc douanier et aux perspectives moins favorables sur le
marché du travail pèse sur les dépenses d'investissement des entreprises et les
dépenses de consommation des ménages privés. La croissance démographique et la
faible inflation soutiennent certes le pouvoir d'achat, mais cela ne suffit pas
à compenser le ralentissement du marché du travail. En conséquence, le KOF a
légèrement revu à la baisse ses prévisions pour la consommation privée pour les
années 2025 et 2026: les taux de croissance s'élèvent désormais à 1,4 %. Cela
correspond à une baisse de 0,1 point de pourcentage et de 0,2 point de
pourcentage respectivement par rapport aux dernières prévisions. En 2027, la
hausse des dépenses de consommation privées devrait être légèrement supérieure
d'1,6 %.
Les investissements en équipements ont enregistré un recul au deuxième trimestre en raison d'effets exceptionnels. Indépendamment de cela, la faiblesse des résultats, la faible utilisation des capacités et le niveau élevé d'incertitude laissent présager une faiblesse persistante des investissements. Cette année, les dépenses d'investissement n'augmenteront que de 0,6 %. L'aggravation du conflit commercial et la récession industrielle pèsent sur l'activité d'investissement. L'année prochaine, ils stagneront pratiquement, avec une hausse de 0,2 %. Ce n'est qu'en 2027 qu'ils devraient retrouver un peu plus de dynamisme et augmenter de 2,0 %.
Perspectives
d'inflation toujours faibles – le taux directeur de la BNS reste à 0 %
Le KOF table toujours sur une inflation de 0,2 % en 2025, de 0,5 % en 2026 et
de 0,6 % en 2027. Les loyers et les services nationaux sont les principaux
moteurs de l'inflation, tandis que les marchandises nationales, les
importations et les prix de l'énergie ont un effet modérateur. Au cours des
derniers mois, l'inflation s'est située dans la partie inférieure de la
fourchette que la BNS considère comme synonyme de stabilité des prix. Un franc
fort, une croissance salariale plus faible et un ralentissement de la dynamique
inflationniste des loyers pourraient encore faire baisser l'inflation. En
conséquence, le KOF ne s’attend pas à d'autres mesures en provenance de la
Banque nationale suisse (BNS) en matière de taux d'intérêt pendant la période
de prévision, ce qui signifie que le taux directeur restera à 0 % pendant toute
la période de prévision.
L'incertitude des
prévisions reste élevée
L'incertitude concernant la politique commerciale américaine reste très élevée.
Cela pourrait inciter les entreprises à délocaliser davantage leur production à
l'étranger. Si les produits pharmaceutiques devaient à l'avenir être également
soumis à des droits de douane, les répercussions sur l'économie suisse
pourraient être considérables. Des risques à la hausse découlent d'une éventuelle
détente du conflit commercial, par exemple à la suite de négociations
fructueuses visant à réduire les droits de douane américains.
Le KOF Centre derecherches conjoncturelles devient le KOF Institut