La rénovation des bâtiments privés passe par des programmes incitatifs
Pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, la Suisse doit procéder à davantage d’assainissements énergétiques de bâtiments et les équiper pour l’utilisation des énergies renouvelables. Une approche prometteuse consiste notamment à s’adresser aux propriétaires de biens immobiliers ayant besoin d’une rénovation par le biais de la commune de domicile. Des programmes d’encouragement ciblés, combinés à un accompagnement professionnel neutre, constituent un instrument efficace.
Crédit image: Jean-A. Luque
Assainir énergétiquement son bâtiment ne coule encore pas forcément de source en Suisse.
Environ un bâtiment sur cent, une estimation souvent citée, est rénové en Suisse chaque année. Un tel taux d’assainissement de 1% ne suffira pas pour atteindre l’objectif climatique suisse de « Zéro émission nette » en 2050. Mais il vaut la peine qu’on s’attarde plus précisément sur ces chiffres. Une étude de la société TEP Energy Sàrl et de l’Université de Neuchâtel a analysé les mesures couramment prises en fonction des différentes parties de bâtiment et en précise la portée. Dans le domaine du remplacement de fenêtres, par exemple, il est de 2 à 3%, ce qui est considérable.
Il n’en reste pas moins que l’assainissement énergétique reste une préoccupation importante de la Confédération. Toute aide venue du domaine de la recherche est requise pour préconiser de nouvelles solutions qui permettent d’atteindre l’objectif 2050. C’est dans ce but qu’a été organisé l’atelier « Bâtiments à haute performance énergétique : accélérer la transition » à Berne au début du mois de février. Les échanges entre scientifiques ne portaient pas sur les techniques de construction, connues et avérées, mais sur les solutions socio-économiques à engager pour les mettre en oeuvre. Ces dernières ont été élaborées dans le cadre de projets des programmes de recherche de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) « Energie – économie – société » ainsi que « Bâtiments et villes ».
Les
propriétaires assainissent trop tard
En règle générale, la décision de procéder à l’assainissement d’un bâtiment
revient au seul propriétaire. Il doit non seulement commander les mesures
nécessaires, mais aussi le faire au bon moment. Souvent, la décision de se
lancer dans de tels travaux est prise trop tard, comme l’a démontré Tobias
Wekhof, économiste de l’énergie à l’EPFZ, lors de l’atelier. Dans le cadre d’un
sondage dans le canton de Zurich, quelque 3500 propriétaires de maisons
individuelles ont décrit quelles étaient leurs intentions en vue d’une
rénovation. Il appert clairement qu’une partie considérable des personnes
interrogées n’a envisagé un assainissement énergétique qu’après avoir constaté
des parties défectueuses dans le bâtiment. « Avec cette approche, un parc
immobilier durable risque de ne pas être réalisé à temps », affirme Tobias
Wekhof. Pour y remédier, il recommande d’informer les propriétaires de manière
précoce et ciblée.
Crédit image: MISTEE/OFEN
Selon un sondage réalisé dans le cadre du projet MISTEE, près de 27% des maîtres d‘ouvrages interrogés estiment que les demandes de subventions en Suisse sont « compliquées » voire « très compliquées ».
Différents projets de recherche ont étudié la meilleure manière d’y parvenir. Le centre d’expertise Interface Politikstudien a voulu savoir s’il était possible d’intéresser les propriétaires de PPE au thème du remplacement du chauffage dans le cadre de consultations bancaires. L’institut de recherche Intep a, pour sa part, incité les propriétaires de maisons individuelles à participer à un entretien personnel avec des experts lors de séances de speed dating organisées par les municipalités.
Pour être
efficace, rien ne vaut le contact direct
En Suisse romande, un projet de recherche a opté pour une approche similaire,
laquelle a été mise en œuvre par Crem, Romande Energie, Signa Terre et CLP.
Dans ce cas, le groupe cible était principalement constitué de personnes
morales possédant d’importants patrimoines immobiliers. Elles ont été
contactées par leur commune de domicile de manière ciblée puis invitées à
participer à un atelier où elles ont pu s’informer sur des sujets liés à
l’assainissement auprès de représentants de différents services spécialisés.
Crédit image: Université de Neuchâtel/TEP Energy
Selon une étude de l’université de Neuchâtel et de TEP Energy, le taux d’assainissement des fenêtres, notamment en les remplaçant par des double ou triple vitrage, est de 2 à 3%.
Le plus grand obstacle a été de convaincre les propriétaires immobiliers de participer à l’événement, explique le coordinateur du projet Jakob Rager (ancien directeur du Crem, aujourd’hui professeur à la Haute école spécialisée HES-SO Valais / Wallis). Pour ceux qui ont accepté l’invitation, les discussions ont porté leurs fruits : « Grâce aux ateliers, nous avons pu augmenter le nombre de personnes ayant l’intention d’assainir de 0,6 à 7,9%, résume Jakob Rager. Nous ne savons toutefois pas combien de personnes contactées ont effectivement mis en œuvre leurs intentions. » Le projet a été initié à Morges et à Vevey. Depuis, Romande Energie développe cette idée dans d’autres communes.
Mettre à profit
les moments opportuns
Maria Anna Hecher, chercheuse à l’EPFL, imagine un autre levier pour favoriser
des assainissements supplémentaires en sensibilisant les propriétaires
immobiliers aux énergies renouvelables, mais également en fournissant des
informations sur les gains et avantages d’un assainissement lorsque le système
de chauffage doit être remplacé. « Ces moments, quand la question d’un
changement se pose, ouvrent une fenêtre d’opportunité qu’il convient d’utiliser
pour prendre des mesures en faveur du développement durable. » Alicia
Lerbinger, doctorante à l’EPFZ, a pour sa part présenté à Berne un logiciel qui
fournit aux institutions disposant d’un important portefeuille immobilier un
instrument de planification à long terme des mesures d’assainissement. Une
start-up issue de l’EPFL travaille actuellement à la commercialisation de cet
outil et de ses applications (www.optiml.com).
Des subventions
mieux ciblées et plus simples
Le secteur du bâtiment est essentiel pour la sortie des énergies fossiles. Les
subventions constituent un moyen de faire avancer cette transformation. Dans ce
contexte, Mehdi Farsi de l’Université de Neuchâtel a analysé les décisions
d’investissements dans le secteur du bâtiment. « Le système d’aide financière
pour les investissements liés à l’énergie peut encore être amélioré en prenant
mieux en compte les personnes à faible revenu et en réduisant la complexité des
demandes d’aide », conclut le chercheur.
Crédit image: Université de Neuchâtel/TEP Energy
Les taux de rénovation de l’enveloppe du bâtiment, en fonction des différentes mesures prises, varient énormément au fil du temps selon les cantons.
Selon un sondage réalisé dans le cadre du projet MISTEE (Université de Neuchâtel et TEP Energy Sàrl), 27% des personnes interrogées estiment que les demandes de subventions en Suisse sont « compliquées » ou « très compliquées ». Simplifier les demandes de subvention fait toutefois courir le risque d’augmenter les effets d’aubaine – un conflit d’objectifs qui a été longuement discuté lors de l’atelier de Berne.
La Suisse à la
traîne, mais l‘évolution est positive
En Suisse, 1,1 million de bâtiments résidentiels sont considérés comme
nécessitant des travaux d’assainissement, et nombreux sont les propriétaires ne
remettant pas encore en question leur propre chauffage au mazout ou au gaz.
Anne-Kathrin Faust, responsable du programme de recherche
Energie-économie-société de l’OFEN, reste néanmoins optimiste. « Malgré tous
les obstacles qu’il nous reste à surmonter, les dernières années montrent des
évolutions positives, notamment en ce qui concerne l’installation de nouveaux
systèmes de chauffage et le développement des énergies renouvelables. » Elle
fait référence à la croissance récente et importante des installations
photovoltaïques ou à la grande diffusion des pompes à chaleur. Plus encore : le
« Programme Bâtiments », financé par la Confédération et les cantons, a doublé
ses dépenses au cours des cinq dernières années. De même, pratiquement tous les
cantons exigent aujourd’hui une utilisation au moins partielle d’énergies
renouvelables lors du remplacement d’un chauffage. (Benedikt Vogel, sur mandat
de l’Office fédéral de l’énergie)