Le nombre de pompes à chaleur doit être multiplié par cinq d’ici 25 ans

Plus de 43 000 pompes à chaleur ont été vendues en Suisse l’année dernière. L’immense majorité, près de 90 %, a une puissance inférieure à20 kW, ce qui est nécessaire pour une maison individuelle ou bifamiliale. Parallèlement, il existe aussi des modèles performants qui alimentent aujourd’hui déjà des immeubles d’habitation en énergie de chauffage et des entreprises industrielles en chaleur industrielle. C’est ce qu’a mis en évidence, fin juin, la traditionnelle conférence sur les pompes à chaleur organisée par l’Office fédéral de l’énergie à Berne.

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Etude de cas « Daru » issue de l’enquête de l’Université de Genève : six pompes à chaleur air-eau de 31 kW ont été installées sur le toit d’une maison d’habitation construite en 1992 et non rénovée. Elles couvrent environ 70 % des besoins.

La Suisse n’a jamais vendu autant de pompes à chaleur (PAC) que l’année dernière. Plus de 43 000 machines ont été vendues en 2023, soit 7 % de plus que l’année précédente. Et pourtant, malgré ce succès, Alexandra Märki, directrice du Groupement professionnel suisse pour les pompes à chaleur (GSP), n’est pas entièrement satisfaite. En effet, la forte croissance des ventes de ces dernières années semble s’être arrêtée net depuis le 4e trimestre 2023. Alexandra Märki constate un « effondrement des ventes », dû entre autres aux taux hypothécaires élevés, comme elle l’a expliqué lors du congrès de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) sur la recherche en matière de pompes à chaleur, dont la 30e édition s’est tenue fin juin à Berne.

Objectif : 1,5 million de PAC
Malgré ce coup de frein, le boom des pompes à chaleur devrait se poursuivre à moyen terme. On pourrait aussi écrire : il « doit » se poursuivre, car les pompes à chaleur sont une « technologie clé pour la décarbonisation du secteur du bâtiment », comme l’affirme Pascal Previdoli, vice-directeur de l’OFEN. Si la Suisse veut atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, le nombre de pompes à chaleur devra être multiplié par cinq au cours des 25 prochaines années pour atteindre 1,5 million de PAC. Mais plus important encore : les pompes à chaleur ne doivent pas seulement devenir le mode de chauffage dominant dans le secteur résidentiel, mais aussi se répandre davantage dans les secteurs tertiaire et industriel. Elles doivent également jouer un rôle important dans la production de chaleur pour les réseaux de chauffage urbain.

Aujourd’hui encore, la majorité des pompes à chaleur vendues a une puissance inférieure à 20 kW, adaptées aux besoins des maisons individuelles et bifamiliales. L’utilisation de la chaleur de l’environnement (air extérieur, sol, rivières, lacs, eaux souterraines) est possible à petite échelle, mais elle l’est aussi à grande échelle : par exemple, pour le chauffage des maisons plurifamiliales. Lors de la Journée des pompes à chaleur, une équipe de l’Université de Genève a communiqué les résultats d’une étude portant sur neuf immeubles ou lotissements genevois alimentés par des PAC. Ces dernières ont ici des puissances de 30 à 5000 kW et, dans la plupart des cas, couvrent de 50 % à 100 % des besoins en chaleur des bâtiments existants et des nouvelles constructions. Pour combler les lacunes, des chaudières à gaz et parfois du thermique solaire prennent le relais, comme l’a expliqué Simon Callegari, chercheur à l’Université de Genève.

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L’Institut pour les systèmes énergétiques de la Haute école spécialisée de Suisse orientale développe actuellement, dans le cadre d’un projet Innosuisse, une pompe à chaleur (100 kW) produisant jusqu’à 148 grammes de vapeur pour les processus industriels (180 kg/h). Le butane est utilisé comme réfrigérant ; le turbocompresseur comprime la vapeur d’eau et repose sur un palier à gaz sans huile.

Les pompes à chaleur sont également suffisamment performantes pour fournir de la chaleur aux immeubles de bureaux et aux bâtiments de grande hauteur. Le projet Papieri-Areal à Cham, qui est construit par étapes jusqu’en 2035, en apporte la preuve. Dans ce quartier comprenant à terme 1000 logements et autant de postes de travail, les besoins en chaleur sont couverts uniquement par des PAC. A l’arrivée, le quartier sera alimenté par la chaleur d’un champ de 192 sondes géothermiques forées à 320 m de profondeur et par la chaleur environnementale d’une rivière. « A la fin des travaux, les toitures photovoltaïques couvriront 75 % des besoins énergétiques de Papieri-Areal ; l’approvisionnement en chaleur et en froid sera entièrement renouvelable. Un bilan énergétique positif pour les grands bâtiments ou l’ensemble du quartier est exigeant, mais il fauta voir des objectifs ambitieux », clame Carsten Wemhöner de la Haute école spécialisée de Suisse orientale, qui accompagne le projet sur le plan scientifique.

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En 2023, le nombre de pompes à chaleur vendues en Suisse a encore battu des records, même si les chiffres de vente ont marqué un recul au 4e trimestre 2023.

Pour sa part, Beat Wellig (Haute école de Lucerne) a présenté un immeuble de bureaux et de commerces à Saint-Gall, chauffé par une pompe à chaleur avec un coefficient de performance (COP) supérieur à 10 et refroidi avec un COP de 50 ! Cette efficacité exceptionnelle est obtenue grâce à une pompe à chaleur spécialement conçue qui fonctionne avec des températures sources élevées (11 à 13° C) et une amorce de chauffage basse (26° C). Cette basse température de départ est suffisante, car la chaleur de chauffage est transmise à l’air dans les pièces par des convecteurs.

Progrès à faire
Cordin Arpagaus, expert en pompes à chaleur haute température à la Haute école spécialisée de Suisse orientale (OST), a étudié la diffusion des grandes pompes à chaleur (> 100 kW de puissance) pour l’industrie et les réseaux de chauffage urbain. En Suisse, 150 à 300 de telles unités ont été vendues ces dernières années – un chiffre faible si l’on considère que cette gamme de puissance présente un grand potentiel de décarbonisation. Pourtant, l’offre de pompes à chaleur haute température a doublé au cours des six dernières années. En règle générale, elles utilisent la chaleur résiduelle comme source et fournissent de la chaleur industrielle. La demande est particulièrement forte dans les secteurs de la chimie /pharmacie, de l’alimentation et du papier, ainsi que pour l’approvisionnement des réseaux de chauffage urbain. Actuellement, selon une enquête réalisée au printemps 2024, seuls 14 % des réseaux thermiques en Suisse tirent leur chaleur de grandes pompes à chaleur.

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La production de chaleur dans neuf immeubles d’habitation étudiés par l’Université de Genève est assurée en grande partie par des pompes à chaleur (en vert sur le graphique). Les pompes à chaleur fonctionnent avec un coefficient de performance annuel mesuré compris entre 2,3 (pour les bâtiments existants non rénovés) et 3,7 (pour un nouveau quartier résidentiel).

Les pompes à chaleur permettent d’économiser jusqu’à 80 % d’énergie dans l’industrie et de réduire les émissions de CO2 jusqu’à 90 %, comme les chercheurs de l’OST peuvent le démontrer avec des exemples d’application. Pour Cordin Arpagaus, il existe encore un énorme potentiel de développement : « Pour l’exploiter, il faut disposer d’une électricité moins chère. Nous avons besoin en outre d’ingénieurs capables d’intégrer de tels appareils dans les processus existants. De plus, des mesures d’encouragement sont indispensables pour que cette technologie soit largement utilisée, comme l’aide prévue à partir de 2025 pour les pompes à chaleur de plus de 70 kW. » Aujourd’hui déjà, les grandes pompes à chaleur utilisent majoritairement des fluides frigorigènes naturels. Elles prennent ainsi les devants sur une tendance encore à peine tangible dans le cas des pompes à chaleur plus petites.

Lors du congrès de Berne, des exposés et une session de posters ont présenté une série de projets de recherche sur les pompes à chaleur qui ont été, ou sont encore, réalisés avec le soutien de l’OFEN. Ils se réfèrent entre autres à des applications exemplaires de pompes à chaleur performantes, par exemple dans une usine de viande, une brasserie, une usine de transformation du lait ou une usine de fabrication de fromage végétalien. Reinhard Radermacher, professeur à l’université américaine du Maryland, avait déjà encouragé les chercheurs présents à la conférence spécialisée dans son discours d’introduction à ne pas se reposer sur les succès obtenus jusqu’à présent. Il plaide pour un nouvel esprit d’invention afin de rendre les pompes à chaleur encore plus compactes, plus efficaces et plus conviviales.

Législation à améliorer
Outre les questions techniques, les aspects réglementaires sont également importants pour la diffusion des grandes pompes à chaleur dans le secteur du bâtiment. Dans ce contexte, Pierre Christe, expert en pompes à chaleur auprès de l’OFEN, a annoncé que des discussions étaient en cours pour étendre aux grandes installations la garantie de performance telle qu’elle s’applique actuellement à l’installation de petites pompes à chaleur (jusqu’à 15 kW). Il a également dispensé des informations sur les travaux de révision actuels de l’ordonnance sur la protection des eaux dans le but de créer des conditions cadres adéquates pour le stockage saisonnier de la chaleur dans le sous-sol et en particulier dans les eaux souterraines. Cette évolution est particulièrement importante pour les réseaux de chaleur afin d’encourager l’utilisation de pompes à chaleur et d’accumulateurs à long terme lors de la planification des réseaux de chauffage urbain.(Benedikt Vogel, sur mandat de l'OFEN)