Le Centre des Congrès de Montreux a enfin les moyens de ses ambitions

Avec ses allures de bunker anachronique de la fin du XXe siècle, le complexe montreusien était à bout de souffle. Né dans l’urgence en 1972, agrandi à deux reprises, le 2m2c ne pouvait plus masquer ses défauts : gouffre énergétique, organisation des salles et flux des visiteurs inadaptés, protection incendie et voies de fuite déficientes… Après moult péripéties, le chantier de transformation et rénovation bat son plein. L’édifice va s‘ouvrir vers le lac et offrira à la Riviera vaudoise un outil promotionnel efficient et digne de son rang.

Crédit image: Jean-A. Luque

Le complexe du festival avait tout d’un bunker anachronique. Il se transforme désormais en bijou de la culture.

A Montreux, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Surtout quand il s’agit d’aborder la transformation du 2m2c (Montreux Music & Convention Centre), le Centre des Congrès et d’Expositions. En février 2019, au terme d’une âpre campagne de plusieurs mois, la population locale avait rejeté un premier projet ambitieux chiffré à 87 millions de francs. La copie avait dû être revue en réunissant tous les partis politiques, mais aussi un comité citoyen et les associations de commerçants. En rognant sur un certain nombre de travaux, une rénovation light avait été finalement acceptée dans les urnes en septembre 2020 : 9 millions moins chère tout en intégrant une nouvelle salle pour les sociétés locales d’une valeur de 1,5 million.

Le 2 août dernier, après une longue et minutieuse préparation, les travaux ont donc démarré. Objectif : permettre au Montreux Jazz Festival de disposer de ses salles de concert à l’été 2025. Les jeux sont faits ? Mais non. Sur les rives du Léman, rien n’est jamais joué d’avance. Début avril, la Municipalité a communiqué que les travaux ne seront pas terminés avant 2026. Tous ces aléas font mal à l’image de Montreux. Et pourtant… les équipes qui œuvrent sur le chantier ne comptent ni leurs efforts ni leurs compétences.

Crédit image: Jean-A. Luque

Les grandes baies vitrées vont toutes être remplacées par des verres triple vitrage pour assurer une meilleure isolation thermique.

« Les travaux ont été extrêmement bien anticipés, confirme Pierryves Pons, de la société E-AS SA, membre de la direction de projet et représentant du maître d’ouvrage. 85 % des adjudications ont été attribuées avant même le premier coup de pioche. La collaboration entre le maître d’ouvrage, les mandataires et entrepreneurs est excellente. Et nous sommes parfaitement dans le respect du calendrier. Mais, en novembre dernier, une nouvelle a complètement modifié la donne. »

La nouvelle en question ressemble à un cadeau doux-amer... qui ne se refuse pas. Des financements supplémentaires issus de fonds spéciaux dédiés au développement durable de la part de l’Etat de Vaud ont été attribués au 2m2c. Cette aide de7 millions a pour objectif d’optimiser la performance énergétique du Centre de congrès. Mais implique de lourds travaux.

Structure à consolider
« Cette subvention, précise Pierryves Pons, va notamment permettre d’installer 500 panneaux photovoltaïques sur le toit du Miles Davis Hall et de remplacer les monoblocs de chauffage-ventilation, dont certains sont aussi en toiture. Pour cela, il est impératif de reprendre la structure de la salle de spectacle avec des traverses pour soutenir le poids supplémentaire et l’isoler efficacement. »

Crédit image: Jean-A. Luque

La toiture du Miles Davis Hall va accueillir 500 panneaux photovoltaïques et cachera de lourds monoblocs. Cela implique de reprendre la structure à peine capable de supporter aujourd’hui le plafond en tôle ondulée et sa maigre isolation.

Il est vrai que la toiture actuelle ne se compose que d’une tôle ondulée sur laquelle une maigre isolation et étanchéité avait été posée en son temps. Une couverture si légère que chaque hiver, il était impératif de dégager le manteau neigeux qui s’y déposait pour prévenir toute surcharge.

« Ces travaux, ainsi que la reprise des locaux techniques en sous-sol qui abriteront les nouveaux monoblocs, ne s’improvisent pas, insiste le représentant du maître d’ouvrage. Depuis novembre, les mandataires travaillent à double pour intégrer ces nouvelles modifications tout en tenant le calendrier des travaux actuels. »

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La dalle précontrainte de l’Auditorium Stravinski, elle a été équipée de poutres afin de supporter les mouvements de la foule lors des concerts et éviter qu’elle se mette en vibration.

Nul doute que ces coups du sort et retards inévitables ne seront plus que des anecdotes une fois les travaux achevés, car la métamorphose du Centre des Congrès a un enjeu à long terme : offrir à la Riviera vaudoise, un outil promotionnel digne de ce nom, moderne et fonctionnel. Plus rien à voir avec le bunker historique né dans l’urgence en 1972 et agrandi à deux reprises en 1982 et 1993.

Pour répondre à ce défi, Marc Fischer, architecte associé administrateur du bureau CCHE SA, a cherché à lier et interpénétrer au maximum les espaces intérieurs avec les extérieurs du bâtiment afin d’offrir une vue maximale sur le grand paysage. La fluidité des circulations extérieures et intérieures doit renforcer encore cette interpénétration et cette perméabilité recherchée.

Gagner en cohérence et efficacité
Giuseppe Leone, chef de projet exécution chez CCHE, détaille parfaitement le projet architectural : « Le complexe sera plus lumineux et va enfin se déployer vers le lac avec de nouvelles terrasses, ouvertures et baies vitrées. Des volées de marches mèneront au 2m2c depuis les quais. Et puis, le centre va gagner en cohérence et efficacité. Chaque espace aura son entrée propre et sera autonome. Plus besoin de passer par une salle pour en rejoindre une autre. Chaque halle aura ses accès et chemins de fuite réservés. » Il sera donc possible d’abriter simultanément sept événements différents sans qu’aucun ne perturbe la manifestation voisine, par le passage ou les services.

Crédit image: Jean-A. Luque

A l’angle sud-ouest, de nouvelles surfaces pour l’administration sont en passe d’être créés.

Un des principaux griefs qui a mené à la rénovation obligatoire du centre a été la sécurité incendie. L’Etablissement cantonal vaudois d’assurance (ECA) avait bien fourni des dérogations pendant quelques années, mais cela n’était plus possible. A lui seul, le chemin de fuite de l’Auditorium Stravinski, composé d’un unique escalier tournant, donnait des sueurs froides à chaque fois que se tenait un spectacle. Cet escalier de la peur, à l’angle nord-ouest du complexe, a été scié et démantelé pièce par pièce. A la place, sur toute la largeur ouest, on découvrira deux rampes d’escalier et des cages d’ascenseur qui joueront également un rôle de protection parasismique. Toutes les poutres en acier (la construction initiale est constituée de poteaux/poutres métalliques) vont être revêtues d’un habillage feu, soit avec du béton, soit avec des matériaux ignifuges.

Un désenfumage avec des exutoires en toiture a également été créé de toutes pièces. Sa mise en œuvre et son calfeutrage ne sont pourtant pas aussi simples qu’il y paraît, car il s’agit de ne pas endommager la technique électrique et phonique ultra-délicate, d’une valeur de 40 millions, qui se cache dans le plafond du Stravinski.

Si la mise en sécurité du bâtiment est l’objectif principal de cette rénovation, sa mise en conformité – tout particulièrement du point de vue énergétique – est également capitale. « Avec ses 35 000 m² de surfaces et son volume de 169 000 m³, le 2m2c était un gouffre énergétique avec des montées intempestives de consommation, explique Pierryves Pons. En avril, par exemple, quand se tenait Polymanga, il fallait chauffer le bâtiment au maximum durant la nuit pour mettre le complexe en température… et la journée on climatisait ! L’édifice était schizophrène. Désormais, nous allons avoir un complexe raisonnable. »

Pompes à chaleur eau-eau
Pour y parvenir, la solution passe bien sûr par une isolation digne de ce nom au sol, en toiture et en façade. Mais également par un chauffage moderne en phase avec son époque. Fini le gaz, place aux pompes à chaleur eau-eau. En été, l’eau du lac permettra de rafraîchir les locaux ; l’hiver elle contribuera à les réchauffer. Une station de pompage existe depuis longtemps déjà sous les quais, mais jusqu’à présent elle ne servait qu’au refroidissement. Ce système s’inscrit dans un projet plus large de chauffage à distance avec un raccordement au réseau thermique de la commune. En effet, la station du 2m2c aura une capacité de pompage de 1600 m³, alors qu’à peine 400 m3 sont nécessaires pour alimenter une manifestation comme le Festival de Jazz.

La vingtaine de monoblocs, désormais avec récupération d’énergie et variateurs grâce à la subvention cantonale de dernière minute, contribuent bien sûr à une meilleure efficience énergétique. Et quelque 1000 panneaux photovoltaïques sur l’ensemble des toitures fourniront l’énergie verte nécessaire.

La volonté du maître d’ouvrage a été de conserver l’image du Centre des Congrès avec de grandes façades vitrées. En tête ouest, la trame de 6 m sera rythmée par des vitrages de 2 m de largeur et hauts de plus de 5 m sur toute la verticalité. L’isolation thermique sera assurée par l’utilisation de triples vitrages. En façade sud, les dimensions des verres seront moindres (1,25 m de largeur sur 3,5 m de hauteur). Quant aux murs recouverts actuellement avec des plaques céramiques KerAion, ils seront dénudés et recouverts de crépi sur un isolant extérieur. A noter que certaines halles en sous-sol reposaient sur un simple pavage. Les pavés ont été évacués, le sol décapé et une isolation posée. Après avoir pris le soin de placer certaines techniques, un nouveau radier de 20 cm d’épaisseur a été coulé sur 5600 m².

La dalle précontrainte sur laquelle repose l’Auditorium Stravinski – dont on ne connaît pas les performances – a été équipée de poutres afin de supporter les mouvements de la foule lors des concerts. « Avant à l’occasion de chaque Festival de jazz, souligne Pierryves Pons, il était nécessaire d’installer des piliers sous cette dalle pour éviter qu’elle se mette en vibration. L’opération coûtait quelque 30 000 francs chaque année ! Il n’y a pas de petites économies. »

Dépenses sous contrôle
Cette gestion budgétaire est au centre de toutes les préoccupations. Un souci permanent. Sur le chantier du 2m2c, l’argent est investi dans l’important, dans l’exploitation. Et cela conduit même à certaines incongruités. Il n’est pas prévu de changer les moquettes qui habillent les couloirs et bureaux du Centre des Congrès ni d’en repeindre les murs. Certains revêtements de sol en résine seront également conservés. Quant aux toilettes d’époque et sanitaires, ils ne sont pas censés être refaits et baigneront dans un look… vintage.

Les travaux prennent grand soin de l’Auditorium Stravinski et de son acoustique si réputée. Il est en effet impératif de protéger ses installations du froid et des infiltrations d’eau. Une zone tampon avec de grandes parois en bois et des bâches pour étanchéifier a été mise en place afin de garder à l’intérieur une température minimum.

L’Auditorium Stravinski a bénéficié lui aussi d’une subvention de dernière minute accordée par la Loterie romande. Une somme de trois millions va permettre d’acquérir de nouvelles chaises et fauteuils, de créer des loges en dur pour les artistes et de remplacer les rideaux de scène. Autre achat, moins visible par le grand public, mais indispensable pour la logistique, un tout nouveau monte-charge de 6 t va être acheté. Dans le budget initial, il devait simplement être rénové.