A Renens, les contraintes du chantier Travis obligent à innover
Situé à Renens, le bâtiment Travis est la dernière pièce d’une série d’édifices - propriétés de CFF Immobilier – qui longent la voie ferrée près de la gare. Multifonctions, le complexe proposera surfaces commerciales, bureaux et logements, places de stationnement P+Rail ainsi qu’une vélostation. Les travaux spéciaux viennent d’être achevés. Retour sur des travaux de terrassement particulièrement délicats.

Crédit image: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
Plus à l’étroit, c’est impossible ! Toute la parcelle à disposition, qui fait 120 m sur 25 m, va être construite. Travis caressera presque la marquise de la gare, touchera le quai 1 au nord et la ligne de trolleybus au sud.
La gare de Renens – troisième station plus importante de Suisse romande – se veut un hub ferroviaire d’importance nationale. Et depuis bientôt une dizaine d’années, sa rénovation et modernisation a entraîné un grand nombre de chantiers, aussi bien d’infrastructures ferroviaires que de projets immobiliers qui ont accompagné le développement de ce centre urbain en pleine croissance.
Programme
ambitieux et compliqué
Au sud de la voie ferrée, le maître d’ouvrage CFF Immobilier a construit des
immeubles à proximité immédiate de la gare, mais aussi un peu plus à l’est au
Parc du Simplon, près du gymnase. Au nord, les travaux des Transports publics
de la région lausannoise (TL) sont également incessants avec ces temps,
l’arrivée du tram qui modifie profondément la géographie des lieux. Et pour
relier la cité scindée en deux par le rail : le Rayon Vert, passerelle
métallique et végétalisée longue de 150 mètres.
Dans ce contexte de chantier permanent, le bâtiment Travis qui jouxte la gare s’inscrit comme la dernière pièce immobilière d’un puzzle ambitieux. Sur une superficie de 9700 m², avec une répartition de 5750 m² pour 86 logements, 2920 m² pour deux niveaux de bureaux et 960 m² pour des surfaces commerciales, CFF Immobilier proposera dès fin 2026 une grande diversité d’appartements, allant du studio au logement de 4 pièces. Le projet comprend en outre une rampe d’accès au passage inférieur de la gare, la logistique pour la gare et ses commerces (livraisons, déchets), une vélostation, ainsi que 153 places de parking, dont 50 de P+Rail.

Crédit image: Epure architecture et urbanisme
Le futur immeuble offrira des bureaux et des logements dans un environnement encore en pleine mutation.
Le chantier a démarré en octobre 2023 par l’installation de parois de protection. En effet, l’édifice est construit à proximité immédiate des voies CFF, d’une part, et de la ligne de bus des TL, d’autre part. On le devine aisément, ce chantier, localisé dans une zone très urbanisée, limitant l’espace disponible pour la construction, a dû faire face à des défis techniques majeurs liés à la proximité des infrastructures ferroviaires et à la topographie complexe du site.
Parois de
protection
« Ce sont ces grosses contraintes qui rendent le projet intéressant et
passionnant, explique d’emblée Frédéric Perrin, chef de projet chez Steiner
Construction SA, l’entreprise totale en charge du pro-jet. Nous sommes dans
l’hypercentre avec un espace exigu. Toute la parcelle à disposition, qui fait
120 m sur 25 m, va être construite. Travis caressera presque la marquise de la
gare, touchera le quai 1 au nord et la ligne de trolleybus au sud. Ce sont ces
installations liées aux arcs électriques qui ont nécessité l’installation de
deux parois de protection. »
Aspect clé du chantier, la réalisation des travaux spéciaux a été menée au deuxième semestre 2024, avec notamment la mise en place d’une enceinte de fouille de 20 m de profondeur, destinée à garantir la stabilité du bâtiment. L’enceinte est composée de 63 pieux sécants de 1 mètre de diamètre et 246 autres de 880 mm.
« Ces pieux sécants constituent l’enceinte définitive du sous-sol, les murs du parking, précise Frédéric Perrin. Au cours du terrassement, nous avons été confrontés à des strates géologiques différentes. Sur les 12 premiers mètres, le sol était meuble et contraint par la rivière Mèbre toute proche. Nous avons étayé les pieux sécants réalisés par des clous-ancrages actifs sur la partie haute et 3 rangs de 16 buttons d’un diamètre de 900 mm pour stabiliser la fouille. Les 8 derniers mètres étaient constitués de molasse particulièrement dure qui n’a pas nécessité d’étais. »

Crédit image: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
L’enceinte de fouille de 20 m de profondeur est composée de 63 pieux sécants de 1 m de diamètre et 246 autres de 880 mm. Ils ont été étayés par 3 rangs de 16 buttons d’un diamètre de 900 mm pour stabiliser la fouille.
Tous les travaux de terrassement ont été, bien évidemment, sous surveillance électronique des voies 24 heures sur 24. Ce géomonitoring a eu pour objectif de contrôler les déformations éventuelles des rails. Les tolérances sont de l’ordre du millimètre… alors que les pieux ont été enfoncés sur plus de 20 m.
Fourmilière
géante
Les contraintes de logistique et d’organisation ont été particulièrement
importantes à cause de l’étroitesse de l’espace de travail et de
l’environnement urbain. Le chantier s’est apparenté à une véritable
fourmilière, avec des manœuvres de machines et de camions coordonnées de
manière millimétrée pour optimiser les déplacements et éviter toute
interférence entre les différentes opérations. Les matériaux excavés ont été
évacués par quelque 35 camions quotidiens, avec une gestion des flux de
circulation particulièrement pointue.
Le chantier de fouille s’est divisé en deux grandes zones : l’une à l’ouest, la zone de la gare, et l’autre à l’opposé, près du carrefour routier. Deux machines de 40 t, ainsi qu’une autre de 25 t, ont exploité le terrain au marteau. Une pelle de 25 t avec scie a également été utilisée. Deux engins de15 t et 9 t ont été employés pour la manutention et le déplacement des matériaux. Tous les engins ont été descendus et remontés par autogrue.
Le fonds de fouille a été atteint en ce début d’année. Place désormais au gros œuvre qui devrait être achevé au printemps 2026.
Un pont métallique imaginé de toutes pièces pour évacuer les matériaux

Quelle: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
Le pont de 120 t est en fait constitué de deux passerelles juxtaposées. L’une accueille la pelle au très long bras, d’une envergure de 16 m, qui va récupérer les matériaux au fond de la fouille. L’autre permet aux camions de venir s’installer à proximité pour le chargement.
Le chantier du bâtiment Travis a présenté des défis techniques majeurs, notamment en ce qui concerne la gestion des flux de matériaux dans un espace exigu et l’évacuation des terres. Ce dernier aspect est l’un des plus complexes de ce projet.
La question de départ était simple : comment terrasser le plus efficacement possible et gérer l’évacuation par camions ? Mais au vu de l’étroitesse de la parcelle et de la coactivité avec les travaux spéciaux, la réponse a nécessité une longue réflexion et de l’ingéniosité. Nicolas Moinat et Julien Camandona de la société Sotrag SA sont finalement arrivés à la conclusion qu’un pont métallique installé au milieu du chantier était la solution la plus efficace.
Col de cygne
Chaque passerelle est composée de deux longerons longs de 20 m et haut de 1 m,
qui à pleine charge flexionnent de 6 cm. Comme les niveaux de terrain sont
différents côté voies CFF ou côté route, la structure a également été équipée
d’un col de cygne. « Entre le moment où ce projet a été dessiné, soumis à un
ingénieur et réalisé dans notre atelier d’Etoy, il nous a bien fallu six mois,
détaille Nicolas Moinat. La statique n’était pas vraiment un problème ; ce qui
nous a pris le plus de temps ce sont les concepts de sécurité. A cet effet,
nous avons conçu un portail qui s’ouvre lorsque le bras de la pelle travaille
et que le pilote peut fermer automatiquement quand il veut sortir de sa
machine. Le coût total de ce pont mobile est de quelque 276 000 francs. »
La passerelle a été installée pendant les vacances d’été 2024, lorsque les autres équipes étaient en congé, pour minimiser l'impact sur l’avancement du chantier. En raison de l’extrême dureté de la molasse, le rythme d’excavation qui était de 400 m3 / jour au départ s’est trouvé ralenti. Raison pour laquelle une nouvelle pelle avec un bras télescopique qui peut atteindre 22 m a été installée en décembre à l’est du chantier. Les deux installations couplées ont permis d’atteindre une cadence d’évacuation de 600 m³ par jour.
Le démontage de la structure principale est prévu au mois de février. Une équipe professionnelle d’acrobates s’attellera à cette tâche par 20 m de vide.