09:19 ARCHITECTURE

Avec son nouveau complexe, la RTS fait sa révolution à Ecublens

Écrit par: Jean-A Luque
Teaserbild-Quelle: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez

Sur le site de l’EPFL, dans le prolongement du Rolex Learning Center, un bâtiment singulier s’élève : le nouveau Centre de production RTS de Lausanne-Ecublens. Ce projet d’envergure, fruit d’une réflexion entamée dès 2013, vise à regrouper sur un même site les chaînes radios et l’ensemble des activités du département Actualité RTS (radio, TV, digitales). Dès cet automne, les premières centaines de collaborateurs vont commencer à investir les lieux.

RTS Ecublens 2

Crédit image: Photodrone.ch, Pedro Guttiérrez

Entre le Rolex Kearning Center (en haut) et le bâtiment Odyssea (en bas à gauche), le nouveau navire amiral de la RTS se distingue par son impressionnante plateforme suspendue, le Champ. Cet immense open space de 5000 m², recouvert de panneaux photovoltaïques, est transpercé par quatre émergences. Quatre tours aux fonctions distinctes hautes de 5 à 7 niveaux.

Le nouveau complexe de la RTS est sur le point d’être achevé. Les premières équipes des services techniques et de la radio vont en prendre possession dès cet automne. A terme, l’année prochaine, près d’un millier d’employés donneront vie à ce complexe d’acier de verre et de béton.

A l’origine de ce complexe, Pascal Crittin, le directeur de la RTS, présente cette construction stratégique majeure comme « un projet d’entreprise. Il fallait remplacer le bâtiment de la radio à Lausanne, le studio 4 à Genève et le garage pour les cars de régie. Ce projet porte une grande ambition : un bâtiment ultra-flexible, puisqu’on ne sait pas ce qu’on produira dans cinq ans. Le bâtiment est aussi ultra-efficient, donc beaucoup moins cher à exploiter. C’est aussi un lieu adapté à la transformation digitale, les équipes décloisonnées pourront travailler ensemble puisqu’on va vers des mixités de métier. »

Juste à côté de l’emblématique Rolex Learning Center dont il partage l’accès aux parkings, le nouveau Centre de production de la RTS affiche ses ambitions. Il regroupera sur un même site les chaînes radios et l’ensemble des activités du département Actualité (radio, TV, digitales) jusqu’alors partiellement réparties entre Lausanne et Genève. En fait, plus qu’un simple déménagement, il s’agit ici d’une véritable métamorphose stratégique de l’entreprise, pensée pour répondre aux défis technologiques, économiques et organisationnels d’un média public en pleine mutation.

Flexibilité et modularité pour affronter le futur
« Même si on ne sait pas précisément ce que sera la télévision ou la radio dans dix ans, insiste Ludovic Manillier, pilote de projets immobiliers à la RTS, nous avons tout mis en œuvre, pour répondre à ce défi. L’infrastructure offre un maximum de flexibilité, modulable à souhait. Le dimensionnement des gaines techniques est plus grand et ces dernières sont facilement accessibles pour tirer de nouveaux câbles pouvant ainsi évoluer en fonction des besoins. Nous avons également prévu des possibilités de densification des espaces de travail et de surélévation… »

Conçu par le bureau d’architecture OFFICE Kersten Geers David Van Severen (Bruxelles), et réalisé en partenariat avec Fehlmann Architectes qui se charge de la partie exécution-coordination, le projet offre 37 000 m² de surface utile. Avec 130 millions investis – majoritairement autofinancés par la vente de bâtiments existants –, le nouveau bâtiment RTS n’est pas qu’un outil performant. Il se veut aussi une vitrine ouverte, accessible en partie au public, pour renforcer un lien de proximité dans le sillage du débat autour de l’initiative « No Billag » en 2018.

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Crédit image: Jean-A. Luque

Le rez-de-chaussée avec un immense couvert est pensé comme la nouvelle place publique de la RTS, un lieu d’ouverture et de rencontre, transparent et perméable. Adjacent aux studios, le vaste atrium en double hauteur réunit un restaurant, un espace d'expositions, des ateliers ainsi qu'un grand foyer qui pourra être le théâtre de divers évènements.

Le rez-de-chaussée est pensé comme la nouvelle place publique de la RTS, un lieu d’ouverture et de rencontre. Transparent, perméable, il se veut accueillant et convivial, fascinant et vivant. Cet espace, vaste atrium en double hauteur, réunit un restaurant, un espace d'expositions, des ateliers ainsi qu'un grand foyer public qui pourra être le théâtre de divers évènements. Porte d’entrée urbaine, il donne accès à quatre bâtiments en béton armé qui sont les composantes verticales du projet ; la plus haute de ces émergences fait 7 étages et culmine à 30 m. Ces volumes, aux proportions variables entre petite tour verticale et boite cubique, jouent un rôle à la fois structurel et fonctionnel. Chacune est dédiée à un usage spécifique.

Deux émergences sont d’ordre plus industriel et se caractérisent par des espaces de grande portée situés à leur centre. La première émergence regroupe les « plateaux » – trois grands studios dont un plateau TV de 450 m², ainsi que des locaux techniques annexes pour les décors, un centre d’habillage, maquillage et coiffure, et de nombreuses passerelles techniques. Un peu à l’écart – à l’extérieur du foyer – la deuxième émergence concentre les quais de chargement des camions, le garage de maintenance des cars régie, la logistique, les ateliers techniques et les magasins de matériel. A l’étage, ces deux émergences accueillent plus de lieux de production de moyenne à grande surface, comme les studios de l’actualité et les lieux de captation multimédias pour Couleur 3.

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Crédit image: Jean-A. Luque

Avec son look industriel assumé et ses poutres Warren apparentes, le Champ s’apparente à une jungle tubulaire impressionnante. Le travail décloisonné et collaboratif y est favorisé et encouragé par une structuralité non territoriale.

Une poutraison métallique et des voiles en béton ont permis de libérer des volumes importants et des grandes hauteurs. Afin d’éviter toute interférence sonore et bruits solidiens, les studios sont réalisés selon le principe de la « boîte dans la boîte » de manière à désolidariser les éléments internes de la structure avec une structure autoportante reprise sous les poutres.

Deux autres émergences, accueillent une multitude de petites infrastructures de production et studios radio et dans leur partie supérieure des surfaces administratives, autour d’un noyau central en béton et des éléments de façade en béton structurel. Ces quatre émergences sont les points d’ancrage physiques du bâtiment. Elles constituent les noyaux rigides qui assurent le fonctionnement technique et structurel de l’édifice et supportent, comme des piliers silencieux, la partie la plus spectaculaire du complexe : le Champ.

Plateforme suspendue, cœur battant du projet
Suspendu à huit mètres du sol, le Champ se veut ouvert et flexible pour accueillir la multitude d’équipes et de métiers qui vont l’animer. Le travail s’y fera en mode transmédia, non plus par vecteur mais dans le partage de savoir-faire et d’infrastructures Cette plateforme de 5000 m2, d’une longueur de 140 m et d’une largeur de 110 m à ses extrémités, trouve sa forme curviligne en liant les émergences par un trait continu. Il n’a ainsi ni début ni fin, seul un centre et une façade généreusement vitrée.

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Crédit image: Jean-A. Luque

Les façades vitrées du Champ baignent le bâtiment dans un océan de lumière.

« C’est ici que se concrétise l’ambition d’un média décloisonné », poursuit le pilote du projet. Et on peut presque plus parler d’urbanisme que d’architecture. Nous avons des avenues, des rues, des chemins, des places. » Le travail collaboratif est favorisé par une structuralité non territoriale, des zones modulaires, des mezzanines insérées dans la double hauteur du volume et des espaces semi-ouverts pour la production ou les réunions. Cet espace d’un seul tenant est baigné de lumière naturelle grâce à sa toiture en sheds orientés au nord.

Cet univers aux allures spartiates et industrielles, animé par des touches colorées et des grandes fenêtres vers les studios, se veut comme une fabrique des médias.  Les matériaux font la part belle à l’acier, à l’aluminium et au verre. Les installations techniques sont apparentes et les sheds soulignent encore davantage ce côté industriel tramé.

Quand la technique devient architecture
La charpente métallique du Champ est une véritable prouesse d’ingénierie. Conçue avec un maillage de treillis triangulés métalliques de type Warren atteignant 6 m de hauteur statique, cette structure permet de franchir des portées allant jusqu’à 63 mètres, certaines parties étant en porte-à-faux sur 19 mètres. Le nœud central de la charpente supporte une traction horizontale équivalente à 1500 tonnes – soit 18 locomotives CFF – tout en permettant un tassement vertical libre.

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Crédit image: Jean-A. Luque

Les sheds du Champ orientés au nord baigneront le bâtiment dans une lumière naturelle tamisée et contrôlée.

La structure même du Champ renforce le caractère industriel et graphique de cet espace. Un exploit technique, réalisé à partir de plus de 2000 t d’acier, recyclé à plus de 90 %, et assemblé par l’entreprise Sottas SA. 1000 t sont dédiées aux poutres Warren principales, 500 t aux planchers mixtes acier-béton et 400 t à la toiture en sheds. Cette structure suspendue repose sur les émergences par le pré-scellement d’inserts métalliques et l’installation d’appuis sphériques – une technologie habituellement réservée au génie civil – qui absorbent les mouvements induits par les charges dynamiques. Pas moins de 26 convois exceptionnels ont été nécessaires pour transporter les treillis de type Warren. Ces 51 éléments ont été déplacés de nuit par camion semi-remorque télescopique depuis les ateliers de Bulle avec accompagnement de sécurité. La pièce la plus lourde transportée pesait 31,5 t pour 29,9 m de portée et 6 m de large ; le poids du convoi totalisait les 50 t pour une longueur totale de 36 m.

Les façades du Champ sont, elles aussi, tout aussi remarquables : elles se composent de 176 éléments poteaux-traverses en aluminium, à la fois robustes et flexibles. Ces profilés de 120 mm assurent une meilleure tolérance au mouvement du verre compte tenu de la flexion possible de la structure. La courbure maximale de cette façade en facette atteint un rayon de 21 m, traduisant visuellement le mouvement fluide de l’enveloppe.

Le chantier a réellement démarré en mars 2020, après une temporisation liée à la votation No Billag (2018) et une redéfinition stratégique de la SSR (Société Suisse de Radiodiffusion et télévision). Les travaux ont débuté par la démolition des structures existantes sur la parcelle et la création d’un accès commun au parking du Rolex Learning Center et du bâtiment. Une nouvelle rampe latérale et un giratoire ont notamment été créés pour fluidifier les accès.

Les enceintes de fouilles ont nécessité la réalisation de soutènements provisoires. Dans le cadre des travaux spéciaux, une paroi berlinoise avec micropieux a été installée contre le sous-sol du bâtiment Odyssea (l’ancien édifice PTT / Swisscom). La galerie technique du bâtiment, située sous le premier niveau de sous-sol et sous la nappe phréatique a nécessité le fonçage de palplanches. Un pompage permanent a permis aux entreprises de travailler au sec.

Pieux forés avec précaution
Le système de fondations est mixte, avec des fondations superficielles et un radier général de 30 cm d’épaisseur sous la zone parking et des pieux forés sous les émergences. Des sondages et tests de portance ont été réalisés à titre préventif pour affiner le dimensionnement des pieux de fondation : 225 pieux forés tubés de 90 cm de diamètre aux longueurs variant de 30 à 40 m. Des instruments de mesure de haute précision utilisés dans les laboratoires des bâtiments voisins de l’EPFL ont imposé un monitoring constant des vibrations.

Le premier sous-sol accueille un parking de 1000 m2 destiné aux véhicules de production légers, aux collaborateurs et aux invités. Le niveau -2 est partiel ; il consiste en une colonne vertébrale technique qui relie les émergences.

Le sous-sol et les quatre émergences sont en béton armé. Les dalles aussi tant que les portées restent inférieures à 8 m. La réalisation des studios, du Champ ou du centre de maintenance de grandes dimensions a nécessité la mise en place de planchers mixtes acier-béton jusqu’à 17 m de portée.

Bien que respectant un nombre important de contraintes techniques environnementales et énergétiques ambitieuses, le Centre de production n’a pas recherché de certification formelle au vu de la complexité et des spécificités des lieux à concevoir (régies, studios, rédactions…). En revanche, l’eau du lac alimente une centrale thermique partagée avec l’EPFL et assure le chauffage et refroidissement bas carbone du bâtiment, les toitures sont intégralement équipées de panneaux solaires, le champ et les émergences peuvent être ventilées naturellement et l’eau grise est réutilisée pour les sanitaires.

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