La « Grange sublime » de Mézières réinvente son théâtre
Emblème du patrimoine vaudois, surnommé la « Grange sublime », le Théâtre du Jorat vient de fêter en grande pompe sa métamorphose. Discret mais ambitieux, un chantier de rénovation et transformation a été mené depuis deux ans à Mézières, dans le cœur verdoyant de la campagne vaudoise. Objectif : moderniser les infrastructures sans trahir l’âme du lieu, pour répondre aux besoins croissants des équipes artistiques et du public.
Crédit image: Jean-A. Luque
Implantée derrière la scène (à gauche sur la photo), une nouvelle annexe sur trois niveaux sert à la fois de soutien statique au bâtiment principal et de centre névralgique pour les équipes administratives et techniques.
Un théâtre à la campagne. Mais quel théâtre ! Bijou architectural et fleuron culturel, le Théâtre du Jorat a été inauguré en 1908 et s’inscrit dans un contexte villageois et rural. Les vues proches sur le paysage, vergers, champs, ainsi que son dégagement sur les Alpes fribourgeoises contribuent à l’ambiance unique de cette salle géante de 1000 places. Le Théâtre du Jorat s’insère dans ce monde comme une « grange sublime », qui s’inspire des grandes fermes environnantes. Devenu institution séculaire, ce palais de bois a été classé monument historique d'intérêt national en 1988.
Bien sûr au fil des décennies, la bâtisse a bénéficié en permanence d’un travail d’entretien et d’assainissement. Mais dans un souci de modernisation et d’amélioration des infrastructures techniques, avec l’objectif de créer aussi de nouveaux espaces administratifs et d’accueil pour le public, la Fondation du Théâtre du Jorat a décidé de lancer un concours d’architecture… en 2011 déjà.
Crédit image: Jean-A. Luque
L'ajout, masse compacte, sait se distinguer tout en restant subtilement en adéquation avec la structure ancienne.
« Notre bureau FWD Architectes avait remporté ce concours sur invitation, explique Anne Dupraz, architecte associée. Mais, le projet a été gelé, vu les difficultés rencontrées pour le financer. Finalement, avec un nouveau projet, très similaire dans les grandes lignes à celui de 2011, mais comprenant en plus la rénovation de la cage de scène, le chantier a démarré à l’automne 2023. »
L'annexe,
pilier invisible
Implantée derrière la scène, l’ancienne annexe – devenue obsolète – a laissé
place à une nouvelle structure à trois niveaux, pensée pour servir à la fois de
soutien statique au bâtiment principal et de centre névralgique pour les
équipes techniques et administratives. Une transformation profonde, rendue
nécessaire pour répondre aux exigences modernes.
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Des poteaux verticaux inclinés, visibles depuis les gradins, empêchaient de voir la scène entièrement et condamnaient certaines places des gradins. Ils ont été inversés et ne sont désormais plus apparents pour le public.
Le sous-sol, en béton, abrite désormais des espaces de stockage pour le son, la lumière et les décors, ainsi que des toilettes pour le public. Le rez-de-chaussée se déploie en foyer multifonctionnel : vestiaire pour les troupes, espace de catering, salle d’échauffement ou de répétition. A l’étage, on retrouve les bureaux administratifs, de même qu’un espace de stockage pour les archives. L’ensemble est desservi par un monte-charge central, garant d’une logistique fluide entre les étages.
Mais ce qui semblait une opération bien huilée a vite été confronté à son premier aléa. Lors du terrassement, l’apparition inattendue d’un véritable ruisseau souterrain sous le bâtiment a chamboulé le planning. Résultat : pompage intensif tout l’hiver, modification de la structure avec des murs plus épais, drainage renforcé, et une reprise en sous-œuvre minutieuse. « Ce défi hydrologique a grevé le budget « imprévus », confie Anne Dupraz. Mais il n’a pas remis en cause le respect de l’équilibre financier du projet. »
Une
cage de scène adaptée aux défis scéniques
Autre point névralgique : la cage de scène, pièce maîtresse du théâtre. Sa
structure, qui datait en grande partie de la construction initiale de 1908, a
été ajustée pour garantir sécurité et performance. Le cadre de scène a été
légèrement agrandi afin d’accueillir des productions contemporaines plus
ambitieuses. Des poteaux verticaux inclinés, visibles depuis les gradins,
empêchaient de voir la scène entièrement et condamnaient certains sièges des
gradins. Ils ont été inversés et ne sont désormais plus apparents pour le
public. La passerelle reliant les côtés cour et jardin, instable et peu
pratique, a été stabilisée et élargie. Le nombre de perches a également été
augmenté pour offrir davantage de flexibilité aux régisseurs lumière et son. Un
travail invisible mais fondamental a également été mené dans les combles :
consolidation de la charpente, sécurisation des accès techniques, modernisation
des équipements.
Crédit image: Jean-A. Luque
Chauffé et utilisable toute l’année, un nouveau pavillon se veut à la fois salle d’accueil, espace de réception, lieu de répétition et de réunion. Il comprend une grande salle, un salon destiné aux sponsors, une cuisine de finition, des sanitaires et des espaces de stockage.
A l’extérieur, face au théâtre, un nouveau pavillon en bois remplace désormais la célèbre tente blanche provisoire. Chauffé et utilisable toute l’année, il se veut à la fois salle d’accueil, espace de réception, lieu de répétition et de réunion. Il comprend une grande salle, un salon destiné aux sponsors, une cuisine de finition, des sanitaires et des espaces de stockage.
Pensé dans une esthétique simple et respectueuse du lieu, le pavillon s’insère dans le paysage comme une évidence : lignes épurées, géométrie claire, matériaux bruts et bois massif provenant des forêts du canton. Coupé une année avant le chantier et séché à l’air libre, ce bois local incarne une volonté de durabilité assumée.
Le pavillon repose sur un radier et bénéficie d’un chauffage au sol alimenté par des sondes géothermiques. Le théâtre, qui lui ne nécessite qu’un réchauffement ponctuel et puissant, est alimenté au gaz, ce qui permet de chauffer rapidement ses grands volumes. Une discrète couverture de panneaux photovoltaïques recouvre un pan de la toiture du pavillon et contribue à l’autonomie énergétique du site.
De
la terre, du bois et de l’humilité
Le chantier a été bien sûr hautement surveillé par les autorités du patrimoine.
« Nous avons eu une belle collaboration avec une concertation rigoureuse, se
félicite l’architecte. Chaque choix – hauteur des bâtiments, couleur des
tuiles, traitement des matériaux, écartement des joints – a été validé de
concert, en respect du classement du théâtre comme monument d’intérêt
national. »
Le sol autour du théâtre, auparavant recouvert de gravier peu pratique, a été remplacé par un revêtement dur accessible aux personnes à mobilité réduite et aux camions de livraison. Les aménagements paysagers côté jardin conservent la pelouse, les arbres et quelques sentiers discrets, assurant la continuité du lien entre architecture et nature. Des interventions qui offrent à la Grange sublime, un espace agréable, un nouveau foyer à l’air libre plus convivial